Le passage concerné constitue la toute fin de l'ouvrage. Placé ainsi, on peut considérer qu'il confère une dimension significative à l'œuvre elle-même. Reprenant quelques thèmes principaux abordés dans l'œuvre à travers ses héros anonymes, Nazim Hikmet dresse un portrait de la configuration actuelle de son existence en tant que combattant, en tant qu'homme et en tant que poète. Ce n'est plus à travers ses héros anonymes qu'il parle désormais : on a enfin affaire au « je » du narrateur, du poète authentique, ce qui confère encore plus de certitude, de conviction à son œuvre, comme si elle était le fruit d'une évidence. En quoi reprend-il alors le paradoxe qui jalonne tout son travail littéraire ? Entre l'injustice des conséquences de la guerre et la légitimité de la cause à défendre, oscillant entre combattant coupable et combattant salvateur, il conclut pourtant Paysages Humains sur la force d'un espoir transcendant, qu'il désire transmettre.
[...] Il est satisfait de vivre sa vie intensément, au rythme de ses convictions, de manière active, engagée. Même si les conditions de vie sont difficiles, le moindre événement positif qui lui arrive est vecteur d'épanouissement : Je suis heureux d'être venu au monde. J'aime sa terre et sa lumière, sa lutte et son pain. Ainsi parvenue au terme de l'étude de ce passage, force est de constater qu'il fait figure représentative de toutes les idéologies présentes au long de l'œuvre. [...]
[...] Jean-Luc Steinmetz voit dans certaines formes d'« image textualisée la révélation intérieure de celui qui l'expérimente. Ainsi, on peut aisément imaginer Nazim Hikmet parcourir une terre rougeâtre on ne peut plus fertile, à travers tous les fruits et légumes énumérés. Le regard du poète sur sa patrie nous donne accès à ses senteurs, à ses couleurs J'ai souvent perdu et ma liberté et mon pain, je t'ai souvent perdue, toi aussi, mais du plus profond de la faim, du plus profond des ténèbres, du plus profond des clameurs, je n'ai jamais perdu espoir dans les jours qui viendront, qui viendront frapper à notre porte de leurs mains rayonnante de soleil . [...]
[...] Cette perspective était déjà annoncée au tout début du passage, avec la naissance de l'enfant, qui met de la joie dans le cœur d'un homme désespéré. Cette apparition dès les premières lignes est comme le fruit d'un miracle inattendu. L'enfant est dans les mains du docteur, toujours lié à la mère tout comme le combattant est dans les mains du poète, toujours lié à sa patrie. Le plus beau cri du monde auquel assiste Halil est celui de la vie. Et, là encore, c'est un chant de victoire le tout premier nous dit-on. [...]
[...] Dans ce même regard, le poète écrit l'universel, parle pour chaque citoyen. La valeur généralisée de ses propos implique que tous les hommes l'ont déjà expérimenté, et donc, ressentent le même amour pour la Turquie, ou, plus généralement, pour leur terre natale : J'ai marché sous ses platanes, J'ai dormi dans ses prisons. Hikmet embarque tous les hommes dans son combat, dans son ressenti, parce qu'il parle de manière à ce que chaque homme puisse s'identifier à ce qu'il exprime : Mon pays : ses forêts de sapins, ses eaux si douces, ses lacs de montagne où nagent les truites truites d'une livre, sans écailles, au corps d'argent qui rougeoie, du lac d'Abant. [...]
[...] Ainsi, la victoire est déjà là : il s'agit de vivre. Inutile de chercher la victoire en mourant : il faut rester vivant pour combattre, garder l'espoir de survie. Comme l'œuvre Paysages Humains, le cri de l'enfant est communicatif, porteur d'espoir, puisqu'il suffit à égayer l'existence de Halil, ne serait-ce qu'un instant : et le cœur débordant de joie, Il referme la porte, Doucement Le geste ultime de Halil représenterait presque celui de lecteur, qui, à nouveau confiant en l'avenir, même, si ce n'est que pour un moment indéfini, referme l'ouvrage doucement De même, les différentes volontés du narrateur reflètent son entreprise de redonner l'envie, le goût des choses vraies : voir des étoiles, des poissons, des fruits inconnus Des rêves simples, mais qui font de l'homme quelqu'un d'ambitieux : le voyage, la découverte : Notre univers, j'en connais le diamètre à un centimètre près, je sais qu'il n'est qu'un jouet comparé au soleil, pourtant, à mes yeux, il est incroyablement grand. [...]
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