Commentaire composé (introduction et conclusion entièrement rédigées et plan détaillé) sur le poème Les pauvres à l'église d'Arthur Rimbaud.
[...] LES FASTES DE L'EGLISE La richesse matérielle du lieu. Elle se manifeste d'abord par la vue: les ornements qui décorent le chœur de l'église ruisselant d'orrie semblent déborder par leur excès de riches dorures l'allitération en r le laisse entendre- et retenir toute l'attention des fidèles au détriment du reste, puisqu'on chercherait en vain un officiant qui dirait la messe. Par l'odorat ensuite : l'odeur de cire évoque le parfum des cierges qui se consument durant la cérémonie religieuse et parle à la sensualité d'un public sans doute peu habitué à un tel luxe qui lui est interdit au quotidien : la cire est chère et les fidèles , pauvres Les apparences de la religion. [...]
[...] C'est que la prière et le recueillement ne se manifestent guère dans l'enceinte de l'église : ces femmes, malgré le missel qu'elles tiennent sous leur regard une prière aux yeux - ne pri[ent] jamais dès lors que durant six jours noirs Dieu les fait souffrir et les prières n'y changent rien : leurs oremus apparaissent aussi risibles que têtus Pareille obstination marque bien l'aliénation de ces misérables pour lesquels tout recul critique est inconcevable. Incapables de révolte, tous bavant la foi mendiante et stupide, Récitent la complainte infinie à Jésus Les pauvres en sont réduits à proférer une chanson sans fin, à réclamer une charité aussi improbable qu'humiliante de manière abjecte et révoltante aux yeux de Rimbaud qui assimile la complainte infinie à Jésus à une Farce prostrée et sombre aux gestes repoussants L'office religieux sombre alors dans une comédie de bas étage, sinistre et qui ne plaide en faveur des pauvres. [...]
[...] LE SPECTACLE DES PAUVRES La misère physique. Le spectacle idyllique de cette communauté humaine réunie dans l'église ne résiste pas longtemps à l'ironie féroce de Rimbaud et à sa dénonciation virulente d'une réalité insupportable à plus d'un titre. Les pauvres sentent mauvais, ils exhalent des senteurs de viande et d'étoffes moisies leur souffle» attiédit puamment l'église ; l'adverbe qu'invente Rimbaud amplifie cette impression rude de puanteur des haleines, et l'allusion à la viande et à la moisissure des étoffes laisse percevoir une saleté insupportable et habituelle, comme si les corps étaient déjà entrés en décomposition. [...]
[...] Mieux encore : les barrières sociales paraissent si bien abolies que l'église accueille les êtres les plus pitoyables, les effarés et les épileptiques Dont on se détournait hier aux carrefours comme si l'indifférence, la sécheresse de cœur habituels avaient disparu pour laisser place aux aveugles fringalant du nez dans des missels antiques qui ont miraculeusement retrouvé la vue . Mais déjà l'emploi du néologisme fringalant laisse entendre que cet appétit pourrait bien être moins spirituel que matériel, et que derrière cette image religieuse se dissimule- autant qu'elle se révèle- une réalité autrement sordide. [...]
[...] Dehors, le froid, la faim, l'homme en ribote : C'est bon. Encore une heure ; après, les maux sans noms ! - Cependant, alentour, geint, nazille, chuchote Une collection de vieilles à fanons : Ces effarés y sont et ces épileptiques, Dont on se détournait hier aux carrefours ; Et, fringalant du nez dans des missels antiques, Ces aveugles qu'un chien introduit dans les cours. Et tous, bavant la foi mendiante et stupide, Récitent la complainte infinie à Jésus Qui rêve en haut, jauni par le vitrail livide, Loin des maigres mauvais et des méchants pansus, Loin des senteurs de viande et d'étoffes moisies, Farce prostrée et sombre aux gestes repoussants ; - Et l'oraison fleurit d'expressions choisies, Et les mysticités prennent des tons pressants, Quand, des nefs où périt le soleil, plis de soie Banals, sourires verts, les Dames des quartiers Distingués, - ô Jésus! [...]
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