Publié pour la première fois dans la revue l'Artiste le 1er janvier 1868, avec cinq autres poèmes des futures Fêtes galantes, « Pantomime » est dans la version définitive le deuxième poème de ce recueil. Le premier titre de ce poème serait, selon Jacques-Henry Bornecque dans Lumières sur les Fêtes galantes, « Aparté ».
S'il semble constituer un distique avec le poème suivant, intitulé « Sur l'herbe », en raison de la multiplicité des personnages, de la vivacité du rythme et de l'atmosphère théâtrale, il présente un contraste avec le poème liminaire, « Clair de lune », dont la tonalité ressortit davantage à la rêverie mélancolique. Il illustre ainsi la variété des Fêtes galantes, régies tantôt par un principe de complémentarité, tantôt par un principe de rupture.
« Pantomime » met successivement en scène Pierrot, Cassandre, Arlequin et Colombine, qui sont quatre personnages issus de la commedia dell'arte et Verlaine, conformément à ce modèle, improvise à partir du canevas de départ que constituent ces types.
[...] et cette strophe conforte l'image d'un personnage vif et coloré. Aussi le poème revient-il pour lui à la gestuelle, avec la pirouette et à l'audace métrique qui lui correspond : Verlaine se fait ici acrobate du vers, en cumulant un enjambement audacieux (entre les vers 7 et et une rime léonine combine / colombine comportent bien quatre phonèmes communs, dont deux sons vocaliques). Notons également que contrairement aux trois autres tercets, ce n'est pas le nom du personnage qui ouvre la strophe mais un nom le qualifiant : Arlequin est donc faquin avant d'être lui-même, ce terme d'injure s'appliquant à un individu sans valeur et impertinent, tel le coquin ou le maraud. [...]
[...] Derrière la fête galante se cache la tristesse. Cette leçon est d'autant plus vraie ici que chaque personnage - que l'on retrouvera ensuite dans d'autres poèmes du recueil - est caractérisé par un aspect inhabituel : leurs comportements ne correspondent pas à leurs rôles, ils sont à contre-emploi. Verlaine a ainsi voulu jouer sur deux registres : celui de la comédie italienne, monde de la gestuelle, et celui de la sensibilité, de la découverte du sentiment montré comme nouveau, et la pantomime permet justement de chercher ce qui se cache derrière le costume puisque l'économie de paroles laisse la place libre à l'interprétation. [...]
[...] Le vers 9 surprend en effet par son caractère indépendant et son inutilité apparente, comme si Verlaine, après un distique unifié par l'enjambement et la rime, avait voulu dans une pirouette montrer le caractère artificiel de la forme poétique : malgré cette régularité apparente du tercet, il prend ses distances avec les règles poétiques et donne à ce vers une valeur métapoétique, les quatre fois représentant les quatre tercets qui opèrent, chacun à sa façon, une pirouette par rapport à la tradition (poétique et théâtrale). Le quatrième et dernier tercet Il concerne le personnage de Colombine, traditionnellement soubrette à l'esprit vif et moqueur. [...]
[...] Dans la pantomime, la communication avec le spectateur s'établit donc par le silence et la suggestion, et c'est certainement ce qui a plu au Verlaine des Fêtes galantes, rompu dans l'art de la suggestion et du non-dit (cf. le mystérieux sourire de L'allée les mauvais présages du poème Le faune ou encore En sourdine Cet art s'est largement développé au XIX° siècle, et ce spectacle d'expression corporelle, avec la présence de funambules, intéressa notamment beaucoup les romantiques (cf. Nodier dans Le Songe d'or, Gautier ou Offenbach). [...]
[...] Quant au second, il est précédé du déterminant possessif son signe que, peut-être, Colombine se l'est approprié. Et les voix qu'elle entend sont-elles celles des trois personnages masculins précédemment évoqués ? L'épaisseur énigmatique de Colombine ici nous fait passer de la comédie à la rêverie, et le personnage, après avoir perdu sa matérialité précaire, semble se dissoudre, se fondre dans l'atmosphère comme la chanson des masques et bergamasques se mêlait au clair de lune dans le poème liminaire du recueil. [...]
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