Commentaire composé du poème de Maurice Scève Moins je la vois, certes plus je la hais..., tiré de son recueil de dizains Délie, objet de plus haute vertu.
[...] Si Maurice Scève décrit son mal (vraisemblablement la passion qu'il éprouve pour Pernette du Guillet), il écrit avant tout dans le but de faire une œuvre littéraire dans la plus pure tradition pétrarquiste. Il se met en scène en disant JE, mais la femme aimée n'est pas nommée ; les substituts pronominaux v.1-4 et la périphrase v.10 décrivant plutôt une femme idéale (Délie, le titre du recueil, étant l'anagramme de l'idée ; c'est aussi le surnom de Diane, déesse romaine farouche et réfractaire à tout amour humain). [...]
[...] Le quarante-troisième poème évoque, dans une suite de décasyllabes, les contradictions inhérentes à son état. Ce dizain est composé de façon circulaire, cette structure mettant en évidence les ambiguïtés de la passion, qui rend heureux autant qu'elle fait souffrir. Poème : Moins je la vois, certes plus je la hais : Plus je la hais, et moins elle me fâche. Plus je l'estime, et moins compte j'en fais : Plus je la fuis, plus veux qu'elle me sache. En un moment deux divers traits me lâche Amour et haine, ennui avec plaisir. [...]
[...] En fait, le En partenariat avec www.bacfrancais.com distique formé par les vers 5-6 joue le rôle d'un axe, d'un pivot autour duquel s'articulent les deux quintils : le cinquième vers est lié à la première strophe par une rime commune, tandis que le sixième vers introduit une nouvelle rime qui le rattache à la deuxième strophe. Le mètre employé par Maurice Scève entretient aussi un rapport avec la structure du poème, le décasyllabe reproduisant à l'échelle du vers la géométrie du poème (10 vers). [...]
[...] Ainsi les deux premiers vers s'enchaînent grâce à la reprise de la même proposition plus je la hais La construction en chiasme autour des adverbes plus moins moins plus (repris vers mais abandonnés au vers 4 au profit du parallélisme plus plus et des pronoms je la (vers 1 et et elle me (vers 2 et 4). Ces effets de symétrie sont renforcés par la coupe régulière en 4+6 (avec l'importance de la chute montrant le paradoxe de son état) et par le retour des mêmes sonorités, notamment hais mais aussi certes à la rime et au vers 2 (rime interne) et Tout le premier quatrain est composé de propositions juxtaposées (v.1-4) et coordonnées (v.2-3) qui opposent des sentiments non maîtrisés et simultanés. [...]
[...] Toutefois cette stylisation de la blessure amoureuse demeure tout à fait traditionnelle et reprend les images convenues de la poésie pétrarquiste, notamment la référence aux flèches lancées par Eros ou Cupidon (vers 5). Nourri de culture gréco-latine, Maurice Scève livre donc un brillant exercice de style lyrique qui reflète une haute conception de l'amour. Conclusion : La structure géométrique du sonnet montre que le poète parvient finalement à maîtriser les tourments amoureux qu'il décrit. L'écriture du discours amoureux semble donc posséder une vertu cathartique en ce qu'elle permet de se libérer des passions. [...]
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