Dans cet extrait du fragment 126 des Pensées (1669), Pascal s'attache à montrer l'importance du divertissement, thème récurrent et majeur de l'oeuvre. Divertir, au sens pascalien du terme, signifie détourner de penser. Le divertissement auquel nous nous adonnons en tant qu'hommes n'est donc qu'un moyen de ne point réfléchir à notre misérable condition. Dans ce passage, Pascal nous expose cette idée via un raisonnement inductif : nous étudierons les deux exemples qu'il nous propose et les lois générales qu'il en extrait.
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Pascal aime mettre en scène de petits exemples, qui sont autant d'images de la société du XVIIe siècle. Le début du passage nous présente un homme qui vient de perdre son fils unique et qui est accablé de nombreux autres soucis, tels que des "procès" et "querelles". De toute évidence, cet homme n'est pas heureux. Comment pourrait-on alors expliquer le fait qu'il soit maintenant "occupé à voir par où passera ce sanglier" et qu'il ne se sente plus triste le moins du monde ? Il se divertit, tout simplement ! Il s'occupe, entreprend de se concentrer sur une quelconque activité (ici, la chasse) et ainsi ne pense-t-il plus à ses peines. On peut noter que la chasse était un passe-temps réservé aux nobles, notamment car elle supposait d'avoir accès à des armes. Pascal s'adresse avant tout à une élite (...)
[...] Il dévoile un point de vue très cynique, voire même provocateur. S'ils semblent plus heureux et si nous les envions, c'est parce qu'ils ont la possibilité, de par leur rang et de par la fortune, d'être sans cesse entourés, occupés, divertis. Ils ne se retrouvent jamais seuls, ils n'ont pas le loisir de s'interroger sur la valeur de leur être et de leur existence : «pour ne leur laisser pas une heure en la journée où ils puissent penser à eux-mêmes». [...]
[...] Il utilise également un démonstratif «cet homme», comme si la scène se déroulait sous nos yeux. On passe du champ lexical de la tristesse («accablé», «troublé», «tristesse», «chagrin», «malheureux», etc.) à celui de la joie («heureux», «amusement», «bonheur», etc.). L'exemple de la chasse, s'il était pathétique, devient risible. Pascal se montre ironique: n'en faut pas davantage». Nous comprenons le message qu'il nous transmet, en ce qu'il appelle notamment à de nombreux exemples de notre vie quotidienne. Pensons aux nombreuses personnes dont les journées sont remplies du matin au soir : fatigue et surmenage ne valent-ils pas mieux qu'oisiveté ? [...]
[...] Il utilise également une formule interrogative dévalorisante : «Qu'estce autre chose que . Les nobles gens ont la particularité de ne pas avoir une seconde de répit et c'est ce simple fait qui les rend enviables. IV. Conclusion Le recours au divertissement est un phénomène qui concerne l'humanité entière. Nous tenir occupés nous permet à la fois de ne pas être tristes et d'éviter de le devenir. Lorsque nous ne nous distrayons pas, nous finissons par prendre conscience de notre condition humaine. [...]
[...] Pascal généralise la situation : «l'homme». L''homme peut toujours atteindre le bonheur grâce au divertissement. Et plus encore, un homme qui a tout pour être heureux, s'il n'est pas diverti, ne le sera point. Le divertissement renvoie à une dépendance. On peut relever un parallélisme de construction, doublé d'un chiasme : «Sans divertissement il n'y a point de joie, avec le divertissement il n'y a point de tristesse». En utilisant la négation, Pascal place le divertissement sur un plan négatif. [...]
[...] Sans divertissement il n'y a point de joie, avec le divertissement il n'y a point de tristesse. Et c'est aussi ce qui forme le bonheur des personnes de grande condition, qu'ils ont un nombre de personnes qui les divertissent, et qu'ils ont le pouvoir de se maintenir en cet état. Prenez-y garde. Qu'est-ce autre chose d'être surintendant, chancelier, premier président, sinon d'être en une condition où l'on a dès le matin un grand nombre de gens qui viennent de tous côtés pour ne leur laisser pas une heure en la journée où ils puissent penser à eux-mêmes ? [...]
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