L'obscène, du latin "ob scena" est ce qui blesse ouvertement la pudeur. "Pantagruel" de Rabelais et "Le Moyen de Parvenir" de Béroalde de Verville se concurrencent à cet égard. Ces deux romans ne cessent de faire référence à la sexualité, à l'urine, aux excréments. Comme le dit la quatrième de couverture du "Moyen de Parvenir" : "des histoires de coucheries et de latrines".
Que penser de cette obscénité, quels sont son utilité, son rôle, son sens dans ces deux ouvrages ? Comment est-elle compatible avec la littérature ?
Dans cette perspective, nous évoquerons le fait que la présence de l'obscénité dans le roman de la Renaissance s'inscrit dans une tradition comique, et puise ses sources dans la culture populaire, avant de s'intéresser aux liens étroits qu'il peut y avoir entre des domaines aussi apparemment opposés que la philosophie et l'obscénité, afin de comprendre sa signification profonde.
Selon certaines thèses, que nous évoquerons, l'obscénité joue également un rôle important pour éviter la censure qui pourrait frapper les textes s'ils assumaient davantage leur gravité et leur caractère polémique. Néanmoins, au-delà de ce simple rôle de cryptage, nous nous demanderons, malgré le préjugé de départ selon lequel l'obscénité pourrait être un obstacle à la littérature, si elle n'est pas finalement au cœur de leur littérarité, notamment en étudiant sa présence dans la langue.
[...] Quantitativement, Verville n'a d'ailleurs rien à envier à Rabelais du point de vue de l'obscénité. Et de la même façon, tous les ouvrages de l'auteur ne sont pas de la même teneur, Verville, qui se caractérise par son éclectisme, écrit aussi bien des vers, que des traités savants, par exemple. Le bas corporel dans la culture populaire Mickhaïl Bakhtine, dans L'œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen-âge et sous la Renaissance s'intéresse à la manière dont Rabelais puise dans le comique populaire. [...]
[...] Enfin, il faut noter une évolution de Pantagruel au Cinquième Livre : en effet, petit à petit, la truculence gratuite cède du terrain, le ton de Rabelais, arrivé à la fin de sa vie, se fait plus sérieux, sans doute suite aux soucis plus graves auxquels il est en proie par la suite. La parution du Moyen de parvenir qui intervient au début du XVIIe siècle, donc presque un siècle plus tard, au crépuscule de la Renaissance prend pourtant place dans la même tradition. [...]
[...] Une tradition comique Romans de la Renaissance Le point commun le plus évident entre le Pantagruel de Rabelais et Le Moyen de parvenir de Béroalde de Verville, c'est sans doute l'obscénité déroutante de ces deux romans. Ecrits respectivement en 1532 et en 1616, les deux ouvrages cèdent cependant au même goût pour la paillardise, hérité du Moyen-âge et dans la lignée directe des fabliaux, par exemple. Cette tendance est très présente à la Renaissance, et Rabelais lorsqu'il écrit Pantagruel cède sans doute à la mode populaire du moment. [...]
[...] Pour lui, l'obscénité de Rabelais est une arme, qui permet de faire passer un message d'une toute autre gravité pour l'époque. En attaquant de manière frontale le Pape, les théologiens ou l'Église catholique, Rabelais aurait risqué la torture puis le bûcher comme ce fût le cas pour Etienne Dolet, condamné pour ses idées protestantes. Mais, grâce aux grossièretés dont le texte est enrobé, le ton évangélique de l'ouvrage, déjà présent, passe inaperçu. Par la suite, au fur et à mesure des ouvrages, surtout à partir du Tiers Livre, le ton se fait moins trivial. [...]
[...] On pourrait relever de nombreux passages qui fonctionnent de la même manière. Souvent, comme on peut le remarquer, l'un des deux sens du mot est obscène. L'équivoque se fonde sur cette polysémie et peut ensuite s'amplifier, et être le ressort comique de tout un passage. Des éléments métalinguistiques Vers le milieu du roman, la discussion s'oriente assez longuement sur le mot putain Une dame qui se décrit à travers son discours comme assez âgée explique, en effet, qu'à l'origine, les putains étaient de nobles dames. [...]
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