Quand un auteur décide d'écrire son autobiographie, il s'engage en même temps à suivre un ensemble de règles d'honnêteté, passant une sorte de "contrat" avec le lecteur : il s'engage à dire la vérité et le lecteur s'engage à le croire. Ce "contrat" sera défini comme étant un "pacte autobiographique". En tant que fondateur du genre autobiographique, c'est Jean Jacques Rousseau qui posera les bases de ce pacte dans le préambule de ses Confessions, écrites de 1765 à 1770.
[...] On peut dire, pour conclure, que ce texte est en tout point l'archétype du pacte autobiographique, car il en pose les bases, mais aussi parce qu'il suit précisément les règles établies par Philippe Lejeune, qui a inventé cette notion de pacte autobiographique, en annonçant que l'auteur, le narrateur et le personnage principal ne forment qu'une seule et même personne. Et même s'il semble tirer quelques profits de cet incipit, Jean Jacques Rousseau semble réellement vouloir être honnête, et ne dire que la vérité. Mais l'établissement d'un pacte autobiographique est- il obligatoirement nécessaire à l'écriture d'une autobiographie ? [...]
[...] Malgré son engagement, plutôt sincère au demeurant, Jean Jacques Rousseau ne cessera de tenter de se rendre meilleur dans son œuvre, et ce dé le préambule. Il tourne à son avantage un engagement censé être "neutre", et ce, de plusieurs façons. Il y a tout d'abord sa façon d'utiliser le langage, comme dans cette phrase : "Je me suis montré tel que je fus, méprisable et vil quand je l'ai été, bon, généreux, sublime quand je l'ai été ( . [...]
[...] Dans ce préambule, il répond aussi aux critères du pacte autobiographique selon Philippe Lejeune, critique spécialiste de l'autobiographie et qui a amené cette idée de pacte autobiographique, à savoir la forme du langage (le récit en prose est une condition élémentaire), le sujet traité, ici la vie de Jean Jacques Rousseau, la situation de l'auteur vis-à-vis du narrateur (auteur et narrateur confondus) et la position du narrateur vis-à-vis du personnage central (une seule et même personne). On peut aussi porter notre attention sur l'incipit de ce texte, l'expression latine Intus et in cute, qui signifie "à l'intérieur et sous la peau", et montre, dés le départ, qu'il s'agit de ne parler que de vérité, mais aussi que le sujet est traité par celui qui le connait le mieux : Rousseau lui-même, et qu'il compte "s'étudier" à fond, et livrer l'intégralité, sans détour, de ses introspections. [...]
[...] Et il ne semble pas avoir peur de montrer cette vérité nue, telle qu'elle est réellement, de rassembler tous ses souvenirs, toutes ses actions, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, tout ce qu'il est enfin, et de le présenter à celui qui voudra bien le lire. Et Jean Jacques Rousseau nous détaille tout ceci dans un passage très explicite, bien qu'interprétable de deux manières, ce que nous verrons dans la deuxième partie. Il dit en effet : "J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon ( . [...]
[...] Il s'agit alors de se représenter la scène pour prendre pleinement conscience de l'importance que Jean-Jacques Rousseau accorde à Jean Jacques Rousseau. Nous avons donc l'homme face à Dieu, puis apparait autour de l'homme "l'innombrable foule de [ses] semblables", qui l'entourent donc, laissant Dieu en dehors de ce cercle, lui tournant même le dos pour certains. Voilà qui peut montrer une partie de la mégalomanie de Rousseau, car cette représentation du Jugement divin n'est pas fortuite, rien n'est laissé au hasard. [...]
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