C'est dans l'univers de la nuit et du voyage que Morand plonge le lecteur dans Ouvert la nuit. Dans l'effervescence de l'après-guerre, l'Europe, le monde changent et les personnages de Morand sont les fruits de cette mondialisation, comme projetés dans une nuit sans fin où règne la suractivité. Morand se veut le témoin d'un temps, d'une période clef où les frontières, les cultures se rapprochent, où tout va et s'épuise plus vite ; ses récits et son style marquent alors cette modernité naissante base d'un siècle nouveau.
Dans la nuit catalane, le narrateur fait la rencontre de Remedios lors d'un voyage en train, veuve d'un révolutionnaire barcelonais. En effet à l'époque du récit le franquisme s'abat sur l'Espagne ; ce régime national-catholique est alors une véritable dictature où toute forme de contestations est proscrite puis réprimée dans une injustice totale. Le passage que nous étudierons se passe à Paris lorsque Remedios vient plaider la cause de son peuple, perpétuant ainsi le combat de son mari Esteban. C'est alors que chez un ami commun le narrateur et Remedios se rencontrent de nouveau autour d'un dîner. Un discours critique est alors engagé par Rémedios sous les observations attentives du narrateur et des convives.
[...] On observe alors un portrait double de Remedios. Dès le début du passage, l'auteur emploie le terme pleine de son sujet pour évoquer Remedios ; elle devient une sorte d'enveloppe porteuse d'un idéal, d'une contestation le personnage est alors réduit à cette fonction, son intégralité est déconsidérée au profit d'un détail servant la fiction. Un jeu s'installe et comme le ferait un pianiste Remedios est prête à jouer sa symphonie son rôle, jusqu'au moment où le narrateur d'un regard, comme l'auteur de sa plume, va renverser la situation. [...]
[...] C'est à travers ce discours que l'envers du décor est franchi, pour faire éclater la vérité. Le discours de Remedios commence par tout un jeu de regard fixant pour la suite le contenu du discours ; esquivant toutes formes de récits, elle en vient directement au fait, dans un style succinct et rapide, mais porteur d'une forte émotion et dépose ses conclusions Remedios entame alors une sorte de panorama de l'Espagne par une énumération d'éléments hétéroclites passant des billets de loterie aux eaux purgatives ; l'Espagne serait un pays comme les autres Cette focalisation multiple, rapide, donne l'impression d'un enchaînement circulaire d'images très stéréotypées ; le thème du voyage se fait ressentir, mais dans une rapidité qui ne donne pas la possibilité de s'arrêter sur ces éléments, comme une sorte de survolèrent désintéressé. [...]
[...] L'autre signe important de la présence de l'auteur se fait ressentir à la fin du passage. L'avenir du personnage intrigue les convives du dîner et des hypothèses sont faites. Dans le dialogue final il y a une perte de repère entre le narrateur et les différents personnages, même si le je figure la distinction n'est pas évidente. Trois hypothèses sur l'avenir de Remedios sont ainsi lancées, une annonçant un avenir violent pour Remedios, une autre en opposition avec les valeurs du personnage et une dernière plus optimiste où succès et combats politiques se mêlent. [...]
[...] En effet le instaure une véritable ambiguïté dans le cas d'une fresque biographique. Dans ouvert la nuit, peu d'information est relevée sur le narrateur, toutefois dans la préface du recueil une sorte de contexte de lecture est fixé: celui d'un récit de voyage. Ainsi, la perspective biographique ou anecdotique n'est pas à écarter dans la mesure où Paul Morand volontairement floute les distinctions au sein de son récit. Dans une première mesure lorsque le narrateur passe d'un point de vue à un autre concernant Remedios sans se fixer sur un personnage fixe, on peut y voir le travaille même de l'auteur, créant son personnage sous les yeux du lecteur, la narration devient alors la manifestation d'une création littéraire continue eh non d'un résultat préconstruit comme nous l'avons vu plus haut. [...]
[...] Ce même peuple, semble prendre figure, vidé de toute substance, de son identité, l'utilisation et la répétition du pronom on à valeur générale renforcent cette impression tout en créant une multitude muette on y peint on y passe etc . Cependant, la véritable rupture s'opère véritablement à partir de au détour d'une rue lorsque Remedios décrit la mise en scène des officiers et des religieux. Les bases idéologiques du franquisme sont le nationalisme et la religion catholique et l'on retrouve de façon sensible ces thèmes dans le discours de Remedios. Le thème de la religion est introduit par au détour d'une rue soulignant une sorte d'apparition pernicieuse, malveillante, dissimulée derrière les apparences d'une Espagne touristique. [...]
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