Aux expériences de la pauvreté, de la maladie, du soleil, s'est ajoutée en 1939 pour Camus celle de la guerre. S'il n'y a pas pris une part active en tant que combattant, son métier de journaliste et son exode l'ont mis en contact avec cette situation qui n'a pas qu'accentué ses prises de conscience fondamentales.
Bien qu'apparenté dans une certaine mesure à l'existentialisme, Albert Camus s'en est assez nettement séparé pour attacher son nom à une doctrine personnelle, la philosophie de l'absurde. Elle parcourt toute son oeuvre et sa pensée, jusque dans La Peste (1947).
[...] La progression dramatique Le texte obéit à plusieurs principes de progression. On note une progression chronologique : le déroulement de l'opéra est évoqué acte par acte. Mais on note aussi une progression des manifestations de la maladie : plaintes, tremblements, gestes saccadés, attitudes grotesques, bras et jambes écartés qui s'accentuent d'acte en acte. Puis, dans la deuxième partie du texte, on peut remarquer l'évolution des réactions des gens du parterre : évacuation lente de la salle, puis précipitation du mouvement, afflux vers la sortie,et enfin bousculade. [...]
[...] Mais, peu à peu, le mouvement se précipita, le chuchotement devint exclamation et la foule afflua vers les sorties et s'y pressa, pour finir par s'y bousculer en criant. Cottard et Tarrou, qui s'étaient seulement levés, restaient seuls en face d'une des images de ce qui était leur vie d'alors : la peste sur la scène sous l'aspect d'un histrion désarticulé et, dans la salle, tout un luxe devenu inutile sous la forme d'éventails oubliés et de dentelles traînant sur le rouge des fauteuils. [...]
[...] Après avoir fait nourrit d'un autre des Oranais dans la rue ou dans la pénombre d'une chambre, devant des témoins, le romancier exhibe ici un agonisant devant la foule ; il met, comme il écrit dans notre texte, la peste sur scène Ce moment est particulièrement intense : à la tragédie fictive se substitue tout à coup une tragédie réelle. III/ Les significations L'omniprésence du mal dans le monde Ce texte est riche en signification. Il témoigne d'abord de l'omniprésence du mal dans le monde. [...]
[...] Dérisoire la précaution prise pour éviter le heurt des strapontins juste avant une véritable débandade provoquée par la peur ; dérisoire le luxe des spectateurs dont témoignent quelques objets, éventails et dentelles, qui subsistent après le départ de la foule comme un naufrage. Dérisoire dont l'évocation tire sa force de sa situation en fin de séquence. Conclusion A peu près au milieu de son roman, Camus semblait proposer une pause en imaginant une scène dans un opéra. Or, c'est au contraire le sommet de la tragédie qu'il met ici en scène. Le spectacle donné est, en effet, représentatif de la tragédie qui se joue dans tout le roman ; et cette séquence constitue ainsi comme une mise en abyme du récit. [...]
[...] Tous ces recommencements stériles sont une des formes de l'absurde. La séparation Une autre des formes de l'absurde, dans La Peste, c'est la séparation d'avec un être cher dont sont victimes plusieurs personnages du romans : Rieux, Rambert, Grand. La Peste est un roman de séparés. Cette expression devait d'ailleurs, un moment, servir de titre au livre de Camus. De ce point de vue le choix du spectacle donné à l'opéra municipal n'est pas neutre : Orphée et Eurydice sont précisément les héros mythiques de l'éternelle séparation. [...]
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