Omeros, Derek Walcott, explication linéaire, analyse, Commentaire d'oeuvre, poème, poésie, oeuvre poétique, extrait, contradictions saisissantes, récits, littérature
« Un voyage épique qui changerait tout » fantasme hardiment Jon Krakauer dans Into the Wild. Tel est le sens bien souvent revêtu, pour nombre de mortels, par la charge héroïque, qu'elle soit chimérique ou visionnaire. Les poètes en appellent ainsi souvent au merveilleux, pour échapper au bien, conjurer la tristesse et la laideur affligeante du réel. Tel pourrait être le cas de cet extrait II d'Omeros, publié en 1990, oeuvre poétique contemporaine de Derek Walcott, artiste antillais de langue anglaise, qui recevra deux ans plus tard le prix Nobel de littérature. Pourtant, c'est bien plus ici, qu'une évocation des seules turpitudes et des affres de l'Histoire de l'Homme, convoquant les oeuvres homériques, dans l'espoir d'arracher un peu de conscience à l'humanité.
[...] Omeros - Derek Walcott (1990) - Comment l'auteur parvient-il à transfuger le monde réel, parvenant à un Ailleurs unique, convergence de la véritable « croisée des mondes » ? « Un voyage épique qui changerait tout » fantasme hardiment Jon Krakauer dans Into the Wild. Tel est le sens bien souvent revêtu, pour nombre de mortels, par la charge héroïque, qu'elle soit chimérique ou visionnaire. Les poètes en appellent ainsi souvent au merveilleux, pour échapper au bien, conjurer la tristesse et la laideur affligeante du réel. [...]
[...] Cette image hante ainsi l'ensemble du poème, créant une scène fictive au cours de laquelle se joue le sort de l'Humanité. De même, la référence au Tantum Ergo composée par Saint Thomas d'Aquin, renvoie à la dévotion collective, à l'orchestration musicale d'une « feuille réglée ». Le poète fait ici référence à l'expansionnisme nazi, le terme « lebensraum » renvoyant ainsi au leitmotiv acclamé, ayant légitimé l'action allemande. La mise en musique parfaite, via la « clé de sol », « les tuyaux d'orgue » et « l'harmonium du matin » semble référer à la note donnée à l'ensemble du monde. [...]
[...] Cette manifestation du conflit apparait ainsi permanente dans le poème. Dès l'ouverture, « je n'ai pas peur des fantômes, mais du réel », le poète use de contradictions saisissantes, notamment sous l'angle des couleurs, offrant de distinguer le « crane blanc » « impérial » du groupe de « choristes noirs » et de ces « noirs visages ». Surtout, il opère une surprenante gradation, passant d'une description de la « plage sale » et de la « lagune brune » à la « perpétuelle rosée », glissant ensuite vers le « noyau de feu au centre blanc de l'holocauste ». [...]
[...] Au-delà d'un exercice d'images portées à la dramaturgie, Derek Walcott ancre surtout sa poésie dans le réel. Et, s'il emprunte des formes à la poésie antique, en usant de l'anaphore notamment sur le terme « dew » pour créer une rythmique particulière, le poète donne un sens profondément personnel à ses vers. Ainsi, l'image du théologien alsacien Albert Schweitzer, prix Nobel de la Paix et figure de proue de l'action humanitaire au milieu du XXe parti réconforter les plus pauvres en Afrique, devenu ici, parti-prenante de cette scène diabolisée, semble marquer le profond abandon du poète lui-même, face à la « fiction » qui se joue. [...]
[...] Il finit d'accabler le monde moderne de ses erreurs de jugement et de ses responsabilités historiques. Le poète offre donc ici une vision épique, mêlée d'images, de connivences, volontiers construites et dramaturgiques, pourtant empreinte de réel, pour conter les véritables malheurs de l'Humanité. Au final, c'est la figure de l'exil, non celui d'un territoire mais celui d'un monde fait de valeurs universelles, qui hante cet extrait car le poète, conscient des malheurs du monde se fait, depuis ses iles, ultime porte-voix des blessures infligées au monde par l'idéologie dominante du « white altar ». [...]
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