Créée en 1961, la pièce Oh les beaux jours présente un personnage incongru dès le début puisque Winnie est enterrée "jusqu'au-dessus de la taille". Reprenant la thématique de l'homme tronc déjà vue dans Fin de partie avec Nagg et Nell, le dramaturge approfondit la représentation du corps humain au théâtre en ne faisant apparaître que deux personnages qui ne seront jamais vus ni debout ni entièrement par le spectateur. Cette pièce semble ainsi poursuivre la réflexion de l'auteur sur les possibilités de représentation du corps de l'acteur sur une scène. La raréfaction du corps représenté sur l'espace scénique va de pair avec la raréfaction des personnages et des dialogues en tant que tels, si nous pouvons toutefois qualifier les paroles des personnages des oeuvres au programme de dialogues. En effet, Oh les beaux jours est un long monologue de Winnie puisque Willie parle très peu et sans prêter attention aux propos de sa compagne d'infortune (...)
[...] Il faut rappeler au spectateur qu'il se trouve au théâtre. Le trompe l'œil renvoie également à l'illusion optique et théâtrale. La scène ne représente pas la vraie vie. Le désert suggéré par l'herbe brûlée est repris ici mais d'une autre façon par la plaine. Les personnages vont ainsi être placés vis-à-vis d'eux-mêmes. Les rencontres semblent impossibles dans un tel univers. L'homme est face à lui-même et à sa condition. Ciel et terre se répondent dans leur nudité. Il semblent ainsi proposé toute absence de surprise. [...]
[...] Il ne s'agit pas de présenter des actions qui s'enchaînent les unes aux autres pour dénouer une intrigue. Il refuse toute intrigue en nous faisant voir un personnage qui, de toute façon, ne peut pas bouger. Et c'est en quoi, nous notons une évolution avec En attendant Godot. En effet, si Vladimir et Estragon ne bougent guère de la scène ils peuvent le faire et sortent de temps en temps. Ici, cette possibilité est refusée au personnage, comme si Beckett voulait souligner que de toute façon, toute tentative d e fuite, de déplacement est vaine. [...]
[...] La position du personnage forme un contraste visuel avec sa situation. Les accessoires présents autour d'elle symbolisent eux aussi une nécessité de marquer la vie malgré tout. Le sac genre cabas fait penser à l'activité des courses, donc quelque chose qui marque le contre point avec sa situation physique. Le cabas présent sur scène est aussi destiné à éveiller la curiosité du spectateur quant à son contenu. Le sac va en effet être au centre du jeu scénique à différentes reprises. [...]
[...] Comme souvent dans l'œuvre de Beckett, les protagonistes vont par deux. Nous remarquons la paronomase entre les deux prénoms qui sont choisis, renforçant ainsi leur fonction de miroir l'un vis-à-vis de l'autre. Winnie est Willie et vice versa mais tout en s'en distinguant au moyen d'une seule lettre. Le personnage selon Beckett se construit dans un jeu de miroir que révèle l'onomastique. Le même n'est saisi que dans la différence. Nous avons ce même procédé de la similitude de situation par les prénoms dans Fin de Partie avec Nagg et Nell mais de façon moins évidente, personnages eux aussi aux corps tronqués. [...]
[...] En effet, l'adjectif peut être pris au sens courant de «très bonne mais en jouant sur la polysémie, Beckett met le spectateur en éveil, si ce n'était déjà fait. Les mots du personnage peuvent être considérés comme un humour grinçant. En effet, quoi de divin dans la position de Winnie ? La divinité de la chose serait alors d'accepter son destin tel qu'il est ? Le personnage semble jouer à tuer le temps en mesurant tous ses gestes. En tuant le temps, il échappe à sa propre mort. La prière est bien le signe que l'adjectif avait plusieurs sens. [...]
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