Ce poème fait partie des nombreux sonnets écrits par Théophile de Viau. Le sonnet est un genre italien importé en France au XVIe siècle, et qui connaît un grand succès en France, notamment avec Ronsard. Si Théophile s'est d'abord conformé à la tradition dans l'écriture de ses sonnets, le sonnet LX marque une rupture.
Il y a d'abord rupture quant au choix du sujet. En effet, traditionnellement, les sonnets servent à l'expression du sentiment amoureux et Théophile en a écrit plusieurs, comme ceux destinés à Cloris. Mais avec ce sonnet, on est à un moment de renouvellement thématique. Le poète y exprime bien sa peine, mais elle est causée par son exil. Ce poème fait donc partie de la série des poèmes d'exil du recueil (poèmes 59 à 61) écrits en 1619.
Il y a aussi rupture par la diversification formelle. Théophile s'affranchit des règles en ce qui concerne le système des rimes et la syntaxe des strophes. Ce qui est tout de suite frappant quant à la forme de ce sonnet, c'est qu'il est composé d'une seule phrase, alors que normalement, chaque strophe d'un sonnet correspond à une phrase.
[...] "Oeuvres poétiques", Théophile de Viau (1619) - sonnet LX "Je passe mon exil parmi de tristes lieux . " Je passe mon exil parmi de tristes lieux, Où rien de plus courtois qu'un loup ne m'avoisine, Où des arbres puants fourmillent d'écurieux, Où tout le revenu n'est qu'un peu de résine, Où les maisons n'ont rien plus froid que la cuisine, Où le plus fortuné craint de devenir vieux, Où la stérilité fait mourir la lésine, Où tous les éléments sont mal voulus des cieux, Où le soleil, contraint de plaire aux destinées, Pour étendre mes maux allonge ses journées, Et me fait plus durer le temps de la moitié; Mais il peut bien changer le cours de sa lumière, Puisque le Roi, perdant sa bonté coutumière, A détourné pour moi le cours de sa pitié. [...]
[...] Il suffit de voir le sonnet précédent dans le recueil pour mesurer l'écart entre les deux. Ce sonnet allie donc diversification formelle et renouvellement thématique pour la description du lieu d'exil du poète, qui semble d'abord être la reprise d'un topos littéraire, mais qui correspond aussi à l'évocation d'une trame personnelle, avec l'appel à la clémence du roi qui clôt le sonnet. Premier mouvement: vers 1 à 11, qui constituent la phase ascendante du sonnet. V1: le premier vers sert à situer la thématique du sonnet. [...]
[...] La frontière entre les strophes tend à s'effacer. C'est la fin de la description des lieux de l'exil, qui correspond au topos du locus horribilis, mais dégage aussi un certain pathos qui montre la mélancolie du poète. Deuxième mouvement Le dernier tercet constitue la pointe du sonnet. On a l'impression d'une phase montante, d'un crescendo des vers 1 à 11, avec les énumérations. Mais ici, on a une chute rapide et brutale, avec un effet de tassement après l'énumération qui n'en finit pas. [...]
[...] Ce poème tend à l'autobiographie, pour la défense de soi, comme le révèle la chute du sonnet. [...]
[...] C'est une innovation de la part de Théophile, et elle est porteuse de sens: elle donne l'impression que la souffrance déborde des cadres traditionnels du poème. Cependant, cette énumération dans la description ne s'arrête pas avec les quatrains, elle s'enchaîne sur le premier tercet. C'est une innovation, car normalement, quatrains et tercets sont assez nettement séparés et les deux tercets doivent former un sizain. Ici, la limitation des quatrains et des tercets est abandonnée à la faveur d'une progression de la description. [...]
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