C'est en 1654 qu'Hercule Savinien Cyrano, dit Cyrano de Bergerac, publie une oeuvre épistolaire, avec l'aide financière du duc d'Arpajon. Les oeuvres diverses de Mr de Cyrano Bergerac contient de nombreuses lettres, classées par thèmes : diverses, satyriques, et amoureuses. Grandement influencé par le mouvement baroque dont il est le témoin, l'auteur mêle à la fois burlesque, ironie, dimension ésotérique et lyrique, comique et polémique. C'est une oeuvre composite, tant au niveau des genres utilisés qu'au niveau des registres. La multiplicité des destinataires interpelle, tantôt définis : le duc d'Arpajon, son ami Henri
Le Bret, Monsieur Gerzan, ses ennemis Scarron et D'assoucy, tantôt obscurs : « A Mademoiselle *** », « Contre un faux brave », « A mes amis les beuveurs d'eau », « A Madame *** »... Même l'auteur joue avec son identité d'écrivain, tantôt « Vostre serviteur », « V.S. », « De Bergerac », « D.B. », « Serviteur à la paillasse », « Vostre Medecin », « esclave », « Vostre Partie, vostre Juge et vostre Bourreau », « Thesee », « Un petit Cocq-à-l'Asne ». Un jeu de rôles tout à fait maîtrisé et qui donne un aperçu des multiples facettes du talent de Cyrano.
[...] En curieux aventurier, cet habile épistolier nous fait voyager du cœur humain aux beautés astrales de notre univers. Lorsque l'imagination flirte avec les aspects de la vie réelle, c'est la naissance d'un néobaroque qui opère, teintée d'une touche ésotérique. Maniant la plume comme il agiterait une épée, chaque lettre est un coup porté à notre esprit critique en tant qu'être vivant, que citoyen ou qu'être social. L'écriture est pour le prodige un moyen d'exercer un don exceptionnel dans le maniement des genres tout comme un artifice qui contribue à l'éveil de lecteurs de tous siècles. [...]
[...] Les médecins seraient ainsi des imposteurs sans aucune compétence sinon celle de se servir des malades comme cobayes. IV. Autres sur divers sujets Ces lettres sont au nombre de quatre. La section s'ouvre sur la lettre nommée D'un songe et se ferme sur Enigme sur le sommeil. Le but n'est pourtant pas d'endormir le lecteur, mais bien au contraire de l'éveiller à sa responsabilité de citoyen. Sous la forme d'un rêve étrange, l'auteur mêle plusieurs personnages complètement dissociables dans un seul tableau. Le songe est le lieu où tout est permis : pas d'ordre, pas de chronologie. [...]
[...] Les croyances populaires et le fétichisme qu'elles suscitent sont dangereux. Le fanatisme et les guerres religieuses sont dénoncés ici, puisque la chasse aux sorcières fait partie de ces crimes iniques engendrés par le détournement des vraies valeurs religieuses. La piété est devenue obsession, la foi est exclusive, engendrant l'intolérance et le mépris de la différence. Le rôle joué par les tenants de ce pilier social qu'est la religion implique la peur sociale, qui suppose de dénoncer pour être disculpé, voire récompensé. [...]
[...] Le narrateur, Thésée, fait appel à Hercule et l'informe sur l'état du monde qu'il a laissé. Tout se passe comme si le narrateur avait intériorisé les Enfers : ( ) je suis tourmenté non seulement par le mal mesme, mais encore par son eternelle veue. L'histoire de Thésée dans le monde infernal est revisitée et on retrouve cependant des lieux communs qui évitent au lecteur de trop se perdre dans l'obscurité des Enfers cyraniens : le supplice de Tantale (assoiffé éternel), de Sisyphe (roulement incessant du rocher dans le Tartare), d'Ixion (Torturé de la roue), les Furies La dernière lettre de cette section s'en retourne au thème onirique. [...]
[...] La lettre VIII renvoie très nettement aux procédés de la précédente. En effet, une description du cyprès en tant qu'élément renversé (le lézard, le dragon, la flèche, le clou). Celle-ci renvoie directement au mythe de Cyparisse, ce jeune homme aimé d'Apollon qui demande d'être condamné aux larmes éternelles et métamorphosé en cyprès. Elle évoque ainsi la tristesse, le deuil de l'être perdu, d'où l'allusion au symbole funeste avec les substantifs funeste funérailles mort tombeaux arbre fatal malheureux Pour insister sur le fait que cet arbre particulièrement symbolique est doté d'une force ésotérique, l'auteur précise qu'il est l'un des seuls, qui ne perd pas ses feuilles à l'arrivée de l'hiver. [...]
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