Si l'on considère ces deux textes par rapport au seul personnage d'Ulysse, ils s'avèrent d'une grande importance : c'est en effet lors de l'assemblée des dieux présente au tout début du chant V (texte 1) que Zeus prend la décision de laisser enfin Ulysse retourner chez lui à Ithaque (et ce grâce à une plaidoirie très adroite de la protectrice du héros, Athéna), et le côté exilé mais aussi exclu qui caractérise Ulysse de son départ de Troie à son retour à Ithaque n'apparaît sans doute jamais mieux dans L'Odyssée que lors de la scène où il se montre pour la première fois (et dans un état déplorable) à Nausicaa, fille d'Alcinoos, roi des Phéaciens – Nausicaa étant alors confrontée à une sorte de vagabond sorti de nulle part.
Notre premier texte anticipe donc la fin de la malédiction qui pesait sur Ulysse depuis son départ de Troie (on rappelle que cette malédiction avait eu pour origine le fait que, tout comme d'autres Grecs, suite à la prise de la ville il n'avait pas sacrifié aux dieux pour les remercier de la protection qu'ils lui avaient accordée pendant les combats) . On ajoute qu'un tel oubli était absolument impardonnable aux yeux des dieux : en soi, la pratique du sacrifice était en effet une loi à laquelle tous les mortels devaient se plier ; ne pas la respecter équivalait donc à s'exclure soit même du monde des dieux et des hommes et à devenir une sorte de paria. Et, pour réintégrer ce monde, le transgresseur n'avait d'autre choix que de subir une sorte de long parcours initiatique à l'intérieur duquel l'errance à travers les mers et les terres s'accompagnait de rencontres dangereuses qui pouvaient avoir raison de la vie du voyageur.
[...] Le discours qu'elle adresse ensuite à ses suivantes ne fait que renforcer ce qu'elle a déjà dit à Ulysse : dans ce discours en effet, elle rappelle à sa suite qu'elle n'a pas le droit de laisser un étranger seul et sans soins Il nous faut l'accueillir vers 207), et, pour les rassurer, elle leur présente Ulysse sous des termes inoffensifs : Celui-ci n'est qu'un naufragé malheureux vers 206. Elle respecte enfin la loi d'hospitalité en prenant tout de suite les mesures qui s'imposent : Donnez-lui un châle propre, une tunique,/ lavez-le dans le fleuve en un lieu abrité du vent ! vers 209 et 210. Le personnage de Nestor rappelle ce fait d'une importance capitale dans le chant III, après que Télémaque (lors d'un voyage) lui ait demandé des renseignements sur son père (voir les vers 130 et suivants, qui détaillent toute l'affaire). [...]
[...] Les douze premiers vers insistent de façon évidente et très efficace sur le statut d'errant, d'exclu et de réprouvé d'Ulysse. D'emblée, dès son apparition, toutes les suivantes de Nausicaa fuient loin de lui Toutes s'égaillèrent vers l'extrême pointe des grèves vers 138) et il faut rien moins que l'intervention d'Athéna pour que Nausicaa ne les imite pas immédiatement dans leur élan Seule resta l'enfant d'Alcinoos ; car Athéna/ lui donnait du courage et chassait la peur de ses membres./ Elle était immobile. En face d'elle, il hésitait. [...]
[...] Noter les adjectifs grand et pure et l'aspect mélioratif des noms beauté port et grandeur Dans la suite de son discours, ce n'est pas parce qu'il ramène adroitement Nausicaa à la condition de mortelle Si tu es des mortels vers 153) que le portrait qu'il fait d'elle en souffre : bien au contraire, après l'avoir appelé Reine (vers 149. Dans le même sens, au vers 154, il parle de sa royale mère et après lui avoir dit que face à elle il se place dans la position d'un inférieur ou d'une personne soumise J'embrasse tes genoux ! vers 149 toujours), il la compare à une fleur fleurir la danse telle fleur vers 157) et la considère comme une femme unique Non ! [...]
[...] D'abord elle essaye d'attendrir les dieux sur le sort peu enviable de son protégé : Athéna leur contait toutes les angoisses d'Ulysse vers 5 (noter le pronom indéfini toutes et le pluriel qui suit) ; voilà dans une île à souffrir de cruels tourments' dit-elle dans le vers 13 (noter une suite de trois termes appartenant au champ lexical de la souffrance, un verbe, un adjectif, un nom). Elle tente aussi d'horrifier son assistance en soulignant les périls que court le fils d'Ulysse, Télémaque : c'est son fils chéri maintenant qu'ils veulent tuer/ à son retour : il est parti s'enquérir de son père / à la divine Spartes et à Pylos, ville des sables'. vers 18 à 20. [...]
[...] La distance spatiale qui sépare ici Ulysse de Nausicaa et de ses suivantes doit donc être lue de manière symbolique comme une distance d'ordre social : si la princesse des Phéaciens et son entourage font partie de la civilisation et de l'ordre qui l'accompagne, Ulysse, lui, n'est qu'un vagabond sans demeure qui est sans cesse confronté au chaos des éléments marins. Le discours d'Ulysse à Nausicaa qui suit est quant à lui remarquablement bien structuré et ordonné : - Du vers 149 au vers 169, Ulysse s'efforce de capter l'attention de son interlocutrice (et d'endormir sa méfiance) en la couvrant de toutes sortes de flatteries. - Du vers 169 au vers 175, il parle de lui, raconte brièvement ce qui vient de lui arriver. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture