Commentaire composé sur le poème de Jacques Réda La bicyclette, il est tiré du recueil Retour au calme.
[...] Du plan de l'action on passe insensiblement au plan de la contemplation et de l'imaginaire. La présence du sujet observant est discrètement rappelée par le pronom on qui ponctue les étapes de la métaphore v.3 et 14, mais sans qu'aucune subjectivité affirmée ne vienne s'intercaler entre le lecteur et la transfiguration opérée. Seule l'utilisation du pronom indéfini on v et 18 peut se lire comme une marque de la présence du poète, qui invite cependant le lecteur à faire une pause pour contempler avec lui les étapes de la métamorphose et s'imprégner de la sérénité du lieu. [...]
[...] En saisissant les mouvements infimes de la lumière sur un objet banal, en les traduisant par de nombreuses images, Réda entraîne le lecteur dans l'expérience sensorielle qu'il a connue, lui offrant ainsi une vision renouvelée de la bicyclette désormais métamorphosée en oiseau (vers puis en planète (vers 21). La tournure oxymorique du vers 9 en éveil dans sa fixité calme mise en évidence par le rejet, prépare l'envol de la bicyclette : tel un félin sur le qui-vive et qui feint de dormir, l'objet se prépare à agir. [...]
[...] La bicyclette vibre alors, on dirait qu'elle entend. Et voudrait-on s'en emparer, puisque rien ne l'entrave, On devine qu'avant d'avoir effleuré le guidon Éblouissant, on la verrait s'enlever d'un seul bond À travers le vitrage à demi noyé qui chancelle, Et lancer dans le feu du soir les grappes d'étincelles Qui font à présent de ses roues deux astres en fusion. La métamorphose d'un objet quotidien : Réda opère dans son texte la transfiguration d'un objet technique appartenant au domaine du sport ou à l'univers de l'enfance. [...]
[...] Poème : Passant dans la rue un dimanche à six heures, soudain, Au bout d'un corridor fermé de vitres en losange, On voit un torrent de soleil qui roule entre des branches Et se pulvérise à travers les feuilles d'un jardin, Avec des éclats palpitants au milieu du pavage Et des gouttes d'or en suspens aux rayons d'un vélo. C'est un grand vélo noir, de proportions parfaites, Qui touche à peine au mur. Il a la grâce d'une bête En éveil dans sa fixité calme : c'est un oiseau. La rue est vide. [...]
[...] Ces caractéristiques formelles permettent d'installer une atmosphère de calme propice à la révélation de la nature fantastique du vélo. Conclusion : A l'instar de Francis Ponge dans Le Parti pris des choses, Jacques Réda propose de redécouvrir les objets du quotidien, éclairés sous un jour nouveau grâce à la transmutation du langage poétique. Toutefois la beauté des choses ne peut apparaître qu'au prix d'un ralentissement auquel invite le cadre de cette expérience sensorielle. [...]
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