Toupie lecture Jean-Paul Sartre "Qu'est-ce que la littérature"
Dans le chapitre "Pourquoi écrire ?" de Qu'est-ce que la littérature ?, Sartre s'applique à nous faire la démonstration que la littérature n'existe que "par et pour autrui". Pour cela, il fait clairement la distinction entre deux activités qui ne peuvent être effectuées par une même personne. Tout d'abord, celle de l'auteur, qui est la création artistique, ou production, mais qui n'a aucune raison d'être sans l'activité complémentaire du récepteur, qui est évidemment la lecture. Sartre parle de cette dernière en ces termes : "[...] L'objet littéraire est une étrange toupie, qui n'existe qu'en mouvement. Pour la faire surgir, il faut un acte concret qui s'appelle la lecture, et elle ne dure qu'autant que cette lecture peut durer. Hors de là, il n'y a que des tracés noirs sur le papier."
En quoi cette citation nous éclaire-t-elle sur le rôle qu'assigne Sartre à la lecture ? Quelle analogie nous permet-elle de faire entre la lecture de la représentation théâtrale ?
[...] Il en confie l'exécution à d'autres artistes, auteurs, musiciens, régisseurs, pour qui il a la plus haute estime (il ne tarit pas d'éloges envers Torelli, le plus grand machiniste de l'époque, qui a "des inventions admirables pour faire agir les machines à propos"). Cependant, s'il ne théorise pas sur le chant et le spectacle, Corneille ne se désintéresse pas de la mise en scène. Il est le premier à inciter les auteurs dramatiques à inscrire en marge du texte dialogué leurs indications. [...]
[...] A travers sa propre réflexion sur le sens et sur "idéologie" du texte, son travail d'adaptation avec modifications plus ou moins importantes : il effectue des changements didascaliques ou des modifications dans l'ordre des épisodes, lui donne une couleur qui convienne à l'univers du spectateur d'aujourd'hui (dans le cas où il prend un texte ancien). L'adaptation peut commencer à la traduction et comporter même des modifications du texte dialogué. Les décors sont par exemple éminemment dépendants de l'époque à laquelle on représente la pièce : dans le théâtre antique ou même élisabéthain, c'est l'architecture qui représente véritablement le décor. A partir de la Renaissance, les formes de l'espace supposent une toile peinte et quelques éléments. [...]
[...] Ce rôle de dévoilant est alors assigné au lecteur, qui donne son existence au roman en le lisant (ce qui est clairement le sens de la citation proposée) comme l'homme donne son existence au monde en le percevant. Sartre résume parfaitement cette dualité écriture/lecture quelques lignes plus loin : "l'opération d'écrire implique celle de lire comme son corrélatif dialectique et ces deux actes connexes nécessitent deux agents distincts. C'est l'effort conjugué de l'auteur et du lecteur qui fera surgir cet objet concret et imaginaire qu'est l'ouvrage de l'esprit." Ce rôle de "coopération", comme le nomme Umberto Eco, est également manifeste dans le cas du spectacle théâtral, qui a ceci de particulier qu'il se joue à trois : le texte (du scripteur), les artistes de la scène, et le spectateur (porteur de ses "univers" propres). [...]
[...] Jauss nomme un "horizon d'attente" (Pour une esthétique de la réception). Sartre décrit parfaitement cette historicité du contact entre l'œuvre et le lecteur : "la lecture se compose d'une foule d'hypothèses, de rêves suivis de réveils, d'espoirs et de déceptions ; les lecteurs sont toujours en avance sur la phrase qu'ils lisent, dans un avenir seulement probable qui s'écroule en partie et se consolide en partie à mesure qu'ils progressent, qui recule d'une page à l'autre et forme l'horizon mouvant de l'objet littéraire". [...]
[...] Il a conscience aussi que la lecture d'une pièce de théâtre n'est pas chose aisée. Tel est également le point de vue de Molière, dans "Avertissement au lecteur" de l'Amour médecin, qui va jusqu'à déconseiller de lire les œuvres théâtrales. "On sait bien que les comédies ne sont faites que pour être jouées ; et je ne conseille de lire celle-ci qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu du théâtre". Aussi Corneille est-il convaincu que les didascalies faciliteront la lecture d'une pièce de théâtre. [...]
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