Les nouvelles récréations et joyeux devis de Bonaventure des Périers est longtemps resté considéré comme un simple recueil de bons mots se rattachant à la tradition des contes à rire, en somme de simples histoires écrites pour divertir l'esprit lors de moments de loisir. Mais de nombreux ouvrages tendent aujourd'hui à réhabiliter le recueil et à lui redonner sa place dans l'histoire littéraire française. Il s'agit d'un assemblage de contes majoritairement de tradition orale,dont la portée théorique n'est pas évidente ; mais l'on sait que les contes sont souvent porteurs d'un enseignement implicite. Montaigne écrit ainsi dans ses Essais : « Advenu ou non advenu, à Paris ou à Rome, à Jean ou à Pierre, c'est toujours un tour de l'humaine capacité duquel je suis utilement avisé par ce récit. » Montaigne affirme donc que la réalité historique des histoires qu'il raconte n'a aucune importance, tout comme l'ancrage géographique et l'attribution à des personnages réels. Le « tour de l'humaine capacité » se comprend comme un exemple de ce qui est capable de se produire, d'arriver aux hommes (« humaine »). L'écrivain soutient donc que ces critères n'importent pas, car ce qui est important c'est que ces contes donnent un exemple représentatif de ce qui peut arriver aux hommes. C'est la question de vraisemblance qui est essentielle plutôt que celle de la véracité historique précise. Et ce « tour de l'humaine capacité » doit informer le lecteur « utilement » : il doit servir d'exemple à imiter ou de contre-exemple, ou plus simplement démontrer la thèse de l'auteur. Cette citation est tirée d'un chapitre dans lequel Montaigne démontre le pouvoir de l'imagination en donnant pour exemples des petites histoires. Il y écrit d'autre part : « Il y a des auteurs pour qui le but est de raconter les événements. Le mien,si j'y parvenais, ce serait de dire ce qui peut arriver. » Et s'il est « utilement avisé par ce récit », c'est parce que ces contes lui sont utiles en ce qu'ils illustrent la force de l'imagination sur les hommes. Les Nouvelles récréations ne semblent n'avoir d'autre but que de délasser l'esprit du lecteur, comme une œuvre de détente après le Cymbalum mundi philosophique et subversif de l'humaniste. Mais n'y a-t-il vraiment aucune portée théorique et philosophique dans ce recueil, n'est-il vraiment qu'un ouvrage de « récréation » ? En quoi peut-on dire que cette œuvre est utile, malgré une apparente désinvolture, mais surtout grâce à cette désinvolture ?
[...] Les Nouvelles récréations ne semblent n'avoir d'autre but que de délasser l'esprit du lecteur, comme une œuvre de détente après le Cymbalum mundi philosophique et subversif de l'humaniste. Mais n'y a-t-il vraiment aucune portée théorique et philosophique dans ce recueil, n'est-il vraiment qu'un ouvrage de récréation ? En quoi peut-on dire que cette œuvre est utile, malgré une apparente désinvolture, mais surtout grâce à cette désinvolture ? En effet, Bonaventure des Périers, de la même manière que Montaigne, ne tend pas dans les NR à retranscrire des faits historiques et ne donne pas ses contes pour vrai. [...]
[...] Cependant, le souci de vraisemblance dans les NR ne semble pas avoir pour dessein d'informer utilement le lecteur ; Des Périers ne cherche pas à être pris au sérieux. Ce n'est pas véritablement un exemple représentatif de ce qui peut arriver aux hommes que l'auteur donne à voir, même si ce souci de vraisemblance est bien présent. Montaigne semble en effet signifier pour sa part que l'ancrage spatio-temporel n'importe pas, car ce qui importe c'est leur valeur d'exemple et leur visée didactique, informative : je suis utilement avisé par ce récit Or, pour BDP, la réalité historique est insignifiante, car ce qui est important, c'est de faire rire. [...]
[...] Mais si les NR ne visent qu'au rire et au divertissement, c'est justement ce divertissement qui est l'objet d'une théorie sous-jacente. Contrairement à notre conception actuelle du rire comme inutile en soi et futile, la Renaissance le considère comme un un point de vue particulier et universel sur le monde, qui perçoit ce dernier différemment, mais de manière non moins importante (sinon plus) que le sérieux ( Mikhaïl Bakhtine dans L'œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et sous la Renaissance Tout d'abord, le rire est salvateur pour Des Périers, car il permet de se divertir des malheurs de la vie. [...]
[...] L'important est dans la vraisemblance et non dans la vérité des histoires. Peu importe, pour l'écrivain, que le conte soit advenu ou non advenu il écrit ainsi dans la Première nouvelle en forme de préambule que peut- être qu'il n'est pas vrai Dans ce texte liminaire, BDP s'adresse à son lecteur : Ne vous souciez pas si ce fut à Tours en Berry, ou à Bourges en Touraine L'ancrage géographique, que cela se soit passé à Paris ou à Rome n'a donc aucune importance : qu'on ne me vienne non plus faire des difficultés : Oh, ce ne fut pas celui-ci qui fit cela : Oh ceci ne fut pas fait en ce quartier-là Les contes qu'il relate sont des histoires qui circulent et qui sont attribuées à un personnage, puis à un autre, et BDP a conscience qu'ils ont déjà été entendus ou lus, c'est pourquoi il ne cherche pas à en mimer la réalité historique. [...]
[...] L'intérêt réside donc tout entier dans la capacité des contes à faire rire le lecteur. Il semble que le recueil ne tende à rien d'autre qu'à cela et qu'il n'y a ainsi aucune volonté moralisatrice ou théorisante. C'est ce que revendique Des Périers en affirmant : il n'y a point de sens allégorique, mystique, fantastique. Vous n'aurez point de peine de demander comment s'entend ceci ? Comment s'entend cela ? Il n'y faut ni vocabulaire ni commentaire. [...]
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