Marguerite de Navarre (1492-1549) emprunte au Décaméron de Boccace le cadre de son œuvre, l'Heptaméron (1559), composé de soixante-douze contes et nouvelles, mettant en scène dix personnages qui, contraints par les intempéries de rester enfermés pendant sept jours dans une abbaye des Pyrénées, décident de passer le temps en devisant de l'amour et du rapport entre les sexes, sujet très prisé à la Renaissance. Après la lecture des Saintes Écritures, chacun a pour tâche de raconter une histoire authentique, afin d'en soumettre la leçon aux débats et aux commentaires moraux ou religieux des devisants.
Dans le Décameron, la notion de journée délimite des ensembles thématiques, on remarque que ce n'est pas le cas dans l'ouvrage de Marguerite de Navarre, qui au contraire, privilégie les effets de variations ainsi que de variétés de tons et de sujets ; variétés qui conduisent souvent à des passages du rire aux larmes ou vice et versa, comme c'est notamment le cas avec le texte proposé, qui porte sur la nouvelle XXXIII, laquelle précède une nouvelle comique racontée par Nomerfide. Il ne comporte que le récit fait par l'un des personnages, Simontault, et nous montre une histoire tragique mettant en scène un double inceste. Nous pouvons alors nous demander en quoi cette nouvelle peut être caractérisée de « conte exemplaire ».
[...] On retrouve cette idée dans la nouvelle XXXIII. Effectivement, on constate que le frère et la sœur vont être considérés comme des prêcheurs car ils sont accusés d'inceste par le Comte : et je pense, pour vérité, que son frère luy a faict cest enfant De fait, ils vont tous les deux être condamnés et brûlés par les flammes, peut- être pour purifier leurs âmes : furent bruslez le frere et la sœur ensemble Il semble intéressant de relever l'emploi de l'hyperbole dans la phrase : dont tout le peuple eut ung merveilleux esbahissement A priori, tout le village se réjouit de voir les deux amants brûlés vifs, ils contemplent ce spectacle et on peut supposer que le fait de les voir brûler de la sorte va avoir une fonction cathartique sur eux. [...]
[...] On peut supposer que l'aumônier est dupé car il croît également trop à une présence divine ou à sa réincarnation. Le comte va démontrer à tout le monde qu'il est facile de faire croire en quelque chose que tout le monde attend : Mais nous, qui croyons ung Jesus-Christ venu, n'en debvons plus attendre d'autre De plus, grâce à lui, les habitants vont se rendre compte que l'habit ne fait pas le moine : soubz un si sainct manteau ung monstre si horrible Avec les mots antithétiques si sainct manteau et monstre si horrible le narrateur montre que les hommes d'Église, qui normalement sont les meilleurs hommes sur terre, cachent souvent leurs vrais visages ; c'est une idée que l'on retrouve beaucoup dans l'œuvre de Margueritte de Navarre. [...]
[...] La veriffication annoncée par le curé prétend satisfaire à l'enquête ordonnée par le comte. Cette scène se déroule en trois temps : un premier interrogatoire où la fille enceinte maintient qu'elle est vierge ; une invitation à communier et à prêter serment sur le corps du Christ corpus domini qu'elle doit prendre à sa damnation c'est-à-dire qu'elle sera damnée en cas de faux serment, la formulation du serment après la répétition de la formule rituelle je prendz le corps de Nostre Seigneur [ ] à ma damnation Le serment était un acte à la fois juridique et religieux qui prenait Dieu à témoin d'une affirmation et pour le confirmer, on posait la main sur un objet sacré (Bible, croix, reliques) ; ici l'hostie présentée par le curé n'est pas touchée par la main, mais absorbée, puisque l'accusée est invitée à communier. [...]
[...] et la sœur va assurer qu'elle doit cela à la grace du Sainct Esperit qui fait en elle tout ce qu'il lui plaist Enfin, elle va faire le serment qui va les mener tout droit vers la mort : Je prendz le corps de Nostre Seigneur, icy present devant vous, à ma damnation, devant vous, messieurs, et vous, mon frere, si jamais homme m'a touché non plus que vous Le frère et la sœur se présentent ici comme des acteurs jouant une scène répétée au préalable. Tout au long de la nouvelle, Simontaut nous donne donc des indices, afin que nous nous rendions compte par nous-mêmes de cette imposture. Mais celui qui va s'en rendre compte tout de suite est le comte. Le comte va être le seul à comprendre le sens réel du serment. [...]
[...] Il est également question de pratiques religieuses dans ce texte : le jeûne, elle jeusnoit (c'est-à-dire qu'elle ne se borne qu'à un seul repas par jour), la vie austère des curés et la messe chanta la messe Durant cette messe le curé prend le Corpus Domini (le corps du Christ, présent dans l'hostie consacrée) et parle du Christ dans son sermon Celluy qui a souffert mort et passion La fille quant à elle, jure sur Jésus Christ Nostre Seigneur qu'elle est toujours vierge. Ainsi, on constate que cette nouvelle s'inscrit d'emblée dans un cadre historique ; une fois ce cadre posé, Simontaut va s'attaquer au traitement des personnages. [...]
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