Nasser Djemaï est un auteur français diplômé de l'école de la comédie de Saint-Etienne et de la Birmingham School of Speech and Drama en Grande-Bretagne. En 2006, il est lauréat du prix Sony Labou Tansi des lycées grâce à sa pièce Une étoile pour Noël. En 2011, il écrit sa troisième pièce de théâtre Invisibles dont le passage que nous allons étudier est l'incipit racontant les mésaventures de Martin, le personnage principal. Nous allons nous demander comment le dramaturge nous présente un protagoniste en situation de rupture. Nous verrons tout d'abord le portrait d'un homme malchanceux puis ses réactions face au deuil de sa mère.
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La pièce s'ouvre sur le monologue du héros sous forme d'une tirade servant de récit et permettant aux spectateurs/lecteurs de comprendre la situation. Cette longue réplique permet aussi au héros d'examiner l'action avant de s'y replonger.
La pièce s'inscrit dans un milieu contemporain et banal, au début "devant une porte" (didascalie) puis "à la gare" (l. 36). La scène a lieu "en France, de nos jours, dans un foyer Adoma (anciennement nommée Sonacotra)" (didascalies initiales). Précisons qu'Adoma est une entreprise qui gère des logements pour immigrés, demandeurs d'asile et gens du voyage. Il utilise un langage familier "gueule" (l. 1, 4), "connard" (l. 7), "con" (l. 19), "foute" (l. 20), "bouffe" (l. 32), "putain" (l.53). Il fait des fautes syntaxiques "t'as" (l. 1, 45) au lieu de "tu as", "t'es" (l.13) au lieu de "tu es" et "qui va pas" (l. 46) au lieu de "qui ne va pas". Il est aussi direct que son langage "Y a un problème les gars ?" (l. 39).
Le constat "t'es complètement seul" (l. 13-14) lui donne le statut d'orphelin, on sait à ce moment-là que son père est soit mort soit absent. Cependant, une note d'espoir apparait au milieu du passage : malgré la petitesse du "coffret" et du "mot" (l. 21) qu'il contient, son avenir va changer (...)
[...] Le personnage parle de lui à la première personne mais n'hésite pas à nous impliquer dans son histoire en employant des pronoms à la deuxième personne t'as tu (l. te t' (l. 13-45). Il nuance aussi sa situation de deuil par le langage : pour dire décédée il emploie l'euphémisme elle était partie (l. 17) et parle d' histoire (l. 33) pour désigner le deuil. Enfin, il refuse l'évidence : il constate que c'est pas possible (l. proposition reprise plus loin c'est juste pas possible (l. 48-49). Il a une impression d'irréalité, d'« être dans une bande-dessinée (l. [...]
[...] Si ce geste est très peu vraisemblable, cette image en dit long sur la violence ressentie par le héros. Plus tard lorsque les trois types le dévisagent (l.36/37), il souffre encore d'être remis en question sur son identité. Il est confronté à un douloureux dilemme : ne rien dire et être humilié ou réagir et être battu et dépouillé. C'est la seconde solution qu'il choisit et l'auteur insiste sur l'extrême dénuement qui s'en suit avec le rythme ternaire en gradation de l'expression sans godasses, sans mon sac, sans rien (l.51-52). [...]
[...] mal t'éclater les dents (l. me fout à terre (l. me donner des coups (l. 44). Les synecdoques bouche en sang (l. bouche toute éclatée (l. 40) confirment que tout son être n'est que souffrance, qu'il se réduit à sa bouche sanguinolente. Le comparatif de supériorité j'avais encore plus mal qu'avant (l. 10) nous informe qu'au lieu d'être soulagé par sa visite chez le dentiste, il souffre de plus en plus. Il se pose en victime du dentiste présenté comme hypocrite avec son sourire (l.4-5) et indifférent, insensible à l'angoisse et à la douleur du patient il te raconte sa vie (l.7). [...]
[...] Conclusion : Nasser Djemaï nous fait faire la connaissance d'un personnage qui multiplie les mésaventures. Issu d'un milieu social et familial défavorisé, il est victime de violence physique et de souffrance morale. L'auteur choisit l'annonce récente du deuil de sa mère pour le confronter au malheur absolu et nous révéler ses premières réactions qui sont celles de tout être humain. Ainsi, d'abord perplexe, il cherche très vite à fuir cette douloureuse réalité. Ce passage annonce un récit initiatique, la découverte de soi par le héros. [...]
[...] Nous verrons tout d'abord le portrait d'un homme malchanceux puis ses réactions face au deuil de sa mère. Un protagoniste malchanceux Issu d'un milieu social et familial défavorisé mais une teinte d'espoir La pièce s'ouvre sur le monologue du héros sous forme d'une tirade servant de récit et permettant aux spectateurs/lecteurs de comprendre la situation. Cette longue réplique permet aussi au héros d'examiner l'action avant de s'y replonger. La pièce s'inscrit dans un milieu contemporain et banal, au début devant une porte (didascalie) puis à la gare (l. [...]
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