Émile Zola, écrivain naturaliste de la fin du XIXe siècle, a tenté, à travers son cycle des Rougon-Macquart, sous-titré « Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire», de saisir la société française de la dernière moitié du siècle. Il a consacré un roman au milieu des ouvriers parisiens (L'Assommoir), un autre à l'univers des mineurs (Germinal), un autre encore au monde de la spéculation dans un Paris transformé par les travaux du baron Haussmann (La Curée) et, dans Nana, à travers le récit de la vie de la fille de Gervaise et de Coupeau, il s'est attaché à décrire le monde de la prostitution de luxe sous le Second Empire.
Dans le chapitre 1 de Nana, il nous plonge dans une salle de spectacle, celle du théâtre des Variétés - juste avant le début de la représentation -, haut lieu de divertissement où l'héroïne va jouer le premier rôle. Cet extrait est tout d'abord une description dominée par le souci de réalisme et régie par un jeu d'impressions, mais c'est aussi une description qui opère une étrange confusion entre les êtres et les choses et qui, finalement, met en scène un monde bien illusoire, entre le luxe et la vulgarité.
[...] [Une description réaliste, régie par un jeu d'Impressions] Cet extrait appartient au genre de la description et on peut voir qu'il est à la fois extrêmement réaliste, puisque le souci du détail est omniprésent, mais aussi dominé par un jeu d'impressions qui lui donne une fluidité particulière. La description suit une progression remarquable. Dès le début de l'extrait -l'adverbe maintenant» suggérant le début de la soirée et installant la description dans une sorte d'atemporalité renforcée par l'imparfait «resplendissait» on a une vision globale: ce qui est l'objet du regard et de la description, c'est salle» dans son entier. [...]
[...] Le regard est toujours en mouvement: effectivement, on remarque une incessante oscillation entre le haut et le bas. Dans la deuxième phrase, on passe de l'évocation du lustre Il, dont la hauteur est déjà évoquée par l'adjectif qui qualifie les «flammes de gaz à celle du parterre Puis, des sièges le regard remonte jusqu'au plafond» pour s'accrocher ensuite à rampe» de la scène -la présence du participe passé «haussée» fait immédiatement le lien entre ces deux éléments et longer en un mouvement descendant rideau» dont la verticalité est renforcée par le groupe nominal qui suit: lourde draperie». [...]
[...] Il faisait déjà chaud. À leurs pupitres, les musiciens accordaient leurs instruments, avec des trilles légers de flûte, des soupirs étouffés de cor, des voix chantantes de violon, qui s'envolaient au milieu du brouhaha grandissant des voix. Tous les spectateurs parlaient, se poussaient, se casaient, dans l'assaut donné aux places; et la bousculade des couloirs était si rude, que chaque porte lâchait péniblement un flot de monde, intarissable. C'étaient des signes d'appel, des froissements d'étoffe, un défilé de jupes et de coiffures, coupées par le noir d'un habit ou d'une redingote. [...]
[...] Zola nous décrit le spectacle d'une salle qui se prépare avant le spectacle lui-même, en mettant en valeur les impressions qui se dégagent de cette atmosphère, bien étrange d'ailleurs puisque les êtres apparaissent comme des éléments du décor, alors que le décor, lui, s'anime. Enfin, l'auteur souligne le contraste entre le luxe et la pauvreté de la salle, et en souligne tous les signes de décrépitude, symboles d'une illusion qui ne peut tenir longtemps. Cette description traduit bien la tentative du naturalisme dont Zola est le chef de file: la volonté de décrire précisément, mais sans idéaliser, en révélant finalement ce qu'on peut lire sous la surface des choses. Extrait Maintenant, la salle resplendissait. [...]
[...] De même, l'évocation des spectateurs est dominée par l'impression de mécanisme. Décrits dans leur globalité comme le montrent l'emploi du pluriel renforcé par l'adjectif «tous et l'utilisation de la métaphore flot de monde les spectateurs semblent dénués de toute humanité: l'énumération de leurs actions «parlaient, se poussaient» et surtout casaient» en fait des marionnettes humaines: ce sont autant de pièces qui doivent prendre place dans les fauteuils du parterre. Ce qui vient mettre en valeur cette réification, c'est l'inversion, l'échange entre l'animé et l'inanimé. [...]
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