Dans la première phrase, Breton rejette l'hypothèse d'une amélioration de son texte : si rien ne sert d'écrire, à quoi bon retoucher ce que l'on a écrit ? C'est pourtant ce que Breton a fait : il a effectué des retouches et a retranché des photographies. Il fait référence à Paul Valéry, car c'était un poète obsédé par les retouches et les corrections, estimant qu'une œuvre n'était jamais achevée et pouvait toujours être améliorée. Breton tourne en dérision cette obsession de la reprise dans une parenthèse polémique (Valéry n'a réussi qu'à affaiblir et affadir son propos).
Le surréalisme, en effet, a toujours critiqué le culte du travail, de la forme et de la rationalité, autrement dit tout ce que représentait Valéry qui disait mettre un an à écrire un poème. Breton avoue cependant avoir fait des corrections sur son texte, dans la recherche d'un langage plus adéquat et plus fluide : "il n'est peut-être pas interdit de vouloir obtenir un peu plus d'adéquation dans les termes et de fluidité par ailleurs". Cette formule négative pour justifier les corrections marque la complexité de Breton, et peut-être une forme de mauvaise foi.
[...] Le narrateur met en valeur l'exigence de la connaissance de soi par la prise de conscience de sa singularité. Le lecteur est un peu perdu et devra attendre encore une quinzaine de pages avant de découvrir le personnage de Nadja, d'où un double effet : un effet de déception lié au caractère abstrait du texte du début, mais aussi un effet d'attente de l'apparition du personnage éponyme. La singularité de quelques grands artistes à partir d'anecdotes de leur vie à 19) Pour entrer dans l'univers artistique de quelques génies, rien ne sert de disséquer leurs œuvres, il suffit de connaître quelques anecdotes ou propos liés à leur intimité et à leur vie quotidienne. [...]
[...] Puis Breton évoque en filigrane l'adage populaire dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es La question de l'identité débouche ainsi sur la question de l'altérité : pour savoir qui je suis, je dois m'intéresser à qui je fréquente. Breton, ce faisant, rêve sur la polysémie du verbe hanter qui signifie, au sens premier, fréquenter mais au sens second, plus magique, habiter, obséder Le mot fantôme est donc le résultat d'une association d'idées. Qui suis-je ? peut alors être reformulé ainsi : De qui suis-je le fantôme ? mais également Qui est mon fantôme ? c'est-à-dire Qui m'obsède ? [...]
[...] "Nadja", André Breton (1963) - étude de "l'Avant-dire" et du prologue L'« Avant-dire (p. 5-7 de l'édition Folio) Il s'agit de trois paragraphes écrits en décembre 1962, peu de temps avant la réédition de Nadja en 1963. C'est donc en fait un après-dire rédigé 34 ans après Nadja. Le sous-titre dépêche retardée est journalistique et provocant (le retard est de 34 années, et non de quelques heures comme pour un article de journal). Un début ironique Dans la première phrase, Breton rejette l'hypothèse d'une amélioration de son texte : si rien ne sert d'écrire, à quoi bon retoucher ce que l'on a écrit ? [...]
[...] Ainsi, un mot permettrait de connaître un homme et son œuvre : amour, couleur, engagement, surprise, ennui (dans l'ordre). Breton déplace donc la critique littéraire pour la mettre au cœur des menus faits de la vie courante par où se révèle la personne de l'auteur. Faits-glissades et faits-précipices : la vie soumise au hasard (p. 19- 24) Breton évoque son projet d'écriture qui consiste à raconter la vie livrée aux hasards L'existence se relaie, pense Breton, comme une course relais de signaux, sans qu'on puisse dire de quels signaux, qui font qu'en pleine solitude, je me découvre d'invraisemblables complicités, qui me convainquent de mon illusion, chaque fois que je me crois seul à la barre du navire Les faits-glissades sont des faits qui surviennent par hasard et qui font glisser le sujet sur la pente de la surréalité, c'est-à-dire hors du monde, dans une autre dimension. [...]
[...] On est ici dans le domaine de la métaphore, celle du spectre, du surnaturel. La relation entre Breton et Nadja est celle de deux hantises différentes : Breton hante Nadja, c'est de l'amour pour elle, Nadja hante Breton, c'est avant tout de la fascination. Ici, Breton pense à Rimbaud : Je est un autre La quête de l'identité passe par la quête d'autrui : en cherchant Nadja, Breton ne fait-il rien d'autre que se chercher lui-même ? Une recherche métaphysique et une nouvelle définition de soi L'abondance des phrases complexes révèle la sinuosité de la pensée de Breton : les phrases accumulent les propositions subordonnées (conjonctives, complétives, relatives). [...]
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