Nadja - André Breton (1928) ; Le Parti pris des choses - Francis Ponge (1942) ; Mythologies - Barthes (1957) ; Les Choses - Georges Perec (1965) ; Les Travaux et les jours - Michel Vinaver (1979) ; Les Années - Annie Ernaux (2008) - Comment ces différents auteurs traitent-ils du quotidien dans leurs textes ?

Thèmes abordés

XXe siècle, auteur, André Breton, Ponge, Barthes, Georges Perec, Vinaver, Annie Ernaux, vie quotidienne, poésie, banalité, trivialité, ordinaire

Résumé du document

Nadja d'André Breton, Le Parti pris des choses de Francis Ponge, Mythologies de Roland Barthes, Les Choses de Georges Perec, Les Travaux et les jours de Michel Vinaver, enfin Les Années d'Annie Ernaux, ont en commun précisément, quoiqu'à des époques et de manière différente, de décrire et/ou d'analyser les choses ou situations les plus ordinaires de la vie quotidienne. Breton retrace dans Nadja ses promenades dans le Paris de son époque. Ponge prend pour sujet de ses « proêmes » des objets de la vie quotidienne. Barthes analyse des objets ou événements des années 60. Perec raconte la vie ordinaire d'un couple, Vinaver les conversations des employés d'une entreprise fabriquant des moulins à café. Ernaux déroule la vie banale d'une femme, de son enfance à sa vieillesse.

Extraits

[...] En devenant des essences, les objets ordinaires perdent peut-être de leur réalité, sont renvoyés dans l'oubli. Avec Les Choses de Perec, le lecteur plonge au contraire dans le totalement ordinaire. Jérôme et Sylvie, un jeune couple de petits-bourgeois, auraient aimé être riches . Après un premier chapitre écrit au conditionnel où Pérec décrit dans les moindres détails l'appartement bourgeois qu'ils rêvent d'habiter, le récit se poursuit à l'imparfait, exposant de manière chirurgicale la vie et les goûts du couple, le petit appartement qu'ils occupent, leur vie sociale et professionnelle. [...]

[...] Alors que la dérision, chez Perec ou chez Vinaver, n'exclut pas la tendresse pour le monde ordinaire , on trouve chez Barthes une dénonciation de l'emprise de la société bourgeoise sur les individus, à travers l'usage de modes transformées en mythes auxquels tous sont supposés adhérer. Chaque chapitre est consacré à l'un de ces mythes , sélectionnés au hasard de l'actualité. Dans le célèbre chapitre sur La nouvelle Citroën par exemple, Barthes analyse l'admiration craintive ressentie par les visiteurs lors de son exposition, la manière qu'ils ont de l'approcher, de la toucher, cette `Déesse' qui a tous les caractères (du moins le public commencent-ils par les lui prêter unanimement) d'un de ces objets descendus d'un autre univers... [...]

[...] Le couple tente de rompre avec la monotonie de l'existence en partant pour la Tunisie, mais, de nouveau, l'ennui et la frustration s'installent. Monde sans souvenirs, sans mémoire. Du temps passa encore, des jours et des semaines désertiques, qui ne comptaient pas. Ils ne se connaissaient plus d'envies . L'histoire de Jérôme et Sylvie, couple interchangeable avec des milliers d'autres, dépourvu de particularités psychologiques et de sentiments, est une non-histoire, dans un non-temps. De retour à Paris dans un dernier chapitre écrit au futur, ils finissent par accepter des postes sans intérêt à Bordeaux, et ne seront jamais riches . [...]

[...] En présence de Nadja, le quotidien banal se métamorphose en un monde légendaire, irréel ou plutôt surréel ; Elle a remis à Nadja une carte tout en lui expliquant qu'elle était venue pour voir `Madame Camée et que celle-ci n'était malheureusement pas là. Ceci se passait devant le magasin au fronton duquel on peut lire les mots : CAMEES DURS . Toute la poésie de Francis Ponge est consacrée aux objets et paysages quotidiens. Son oeuvre entière contredit le propos de Jean-Luc Nancy puisqu'il se donne pour ambition de sortir les objets les plus ordinaires, les plus courants, de leur silence et de leur banalité. [...]

[...] Dans la ville que Breton arpente, entouré de ses amis artistes, dans sa vie quotidienne réelle, des miracles ordinaires ne cessent de se produire. L'ordinaire peut être imprévu, bizarre, et par là poétique. J'espère, en tout cas, que la présentation d'une série d'observations de cet ordre (...) sera de nature à précipiter quelques hommes dans la rue, après leur avoir fait prendre conscience, sinon du néant, du moins de la grave insuffisance de tout calcul soi-disant rigoureux sur eux-mêmes... L'emploi du mot série est intéressant. [...]