La muse vénale, Les fleurs du mal, Baudelaire, 1857, muse subversive, muse du poète, inspiration poétique
Les Fleurs du mal, c'est voir la beauté dans la laideur. « Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or », cela défini le programme esthétique de Baudelaire. Il s'oppose comme les romantiques qui l'ont précédé à une conception classique du Beau. C'est bien sur le terrain des classiques que Baudelaire s'aventure en leur empruntant le motif classique de la muse pour évoquer les topos de l'inspiration poétique. Mais en proposant une muse subversive, Baudelaire se fait peintre de la modernité de son époque. On a une double figure de la muse qui est à la fois réelle et allégorique.
[...] Aux nocturnes, rayons qui percent les volets ? On a un topo (lieu commun) de la représentation du poète maudit sous sa mansarde pour qui la nuit est propice à l'inspiration, car elle exalte le spleen. Cela nous rappelle un autre poème de Baudelaire qui commence ainsi : soit sage ô ma douleur et tient toi tranquille L'or des voûtes azurées ? Le poète espère récolter la gloire. Cela est évoqué métaphoriquement avec ce passage. On a une dimension divine, un idéal auxquels le poète espère accéder. [...]
[...] S'ils représentent, des femmes sensuelles se sont toujours des beautés abstraites ou idéalisées. Baudelaire va représenter une femme sensuelle encrée dans le réel et refuser cette idéalisation hypocrite pour pouvoir représenter une femme érotique. Aussi la muse de Baudelaire est doublement subversive, non seulement elle appartient au réel, ce n'est pas une femme rêvée et idéalisée, mais en plus c'est une prostituée. D'ailleurs il a eu un procès en 1857 pour atteinte aux bonnes mœurs et sera censuré. D'abord elle est placée comme L'amante des Palais De nombreux éléments dans ce poème, dont le titre avec vénale permettent d'identifier la muse comme une prostituée. [...]
[...] Chaque soi donne une valeur répétitive Et ton rire trempé de pleurs qu'on ne voir pas La misère de la prostituée n'est pas seulement physique, elle relève aussi de la souffrance psychologique. Pour plaire, la prostituée doit masquer sa douleur. On a une antithèse avec rire et pleur qui traduit bien cette souffrance. Ici la prostituée devient une véritable actrice. Le saltimbanque est un jongleur, il sert à divertir le roi, à le faire rire pour qu'il se dilate la rate (rire aux excès). Cela rappelle Janus (Janvier) qui est un dieu avec deux visages (un tourné vers l'année passée et l'autre vers l'année future). [...]
[...] C'est une comparaison subversive (de plus, Les Fleurs du mal ont été censurées pour atteinte aux bonnes mœurs). On peut voir deux sens à cette comparaison. Le premier sens est que la prostituée vénale encense la bourgeoisie pour obtenir son argent. Le deuxième sens est que jouer de l'encensoir pourrait évoquer le déhanchement sensuel de la prostituée et les Te Deum auxquels tu ne crois guère pourraient représenter un orgasme simulé. Il y a donc une assimilation entre le religieux et le côté sensuel, ce qui est subversif. [...]
[...] C'est parce que Baudelaire refuse cette conception d'une poésie prostituée que les Fleurs du mal furent censurées. Il y a une double lecture possible, d'abord le portrait d'une prostituée, muse surprenante et subversive du poète, mais aussi une réflexion sur l'inspiration et le travail du poète maudit. Ce poème devient aussi en quelque sorte un art poétique (texte théorique ou métalitéraire qui sous forme d'un poème vient décrire les règles esthétiques d'un mouvement littéraire). Ici Baudelaire, à travers cette représentation subversive d'une prostituée, décrit une source d'inspiration propre à sa conception de la modernité poétique. [...]
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