Jean-Paul Sartre, auteur aussi prolixe que protéiforme, publie en 1964 "Les Mots", récit autobiographique, dans lequel il raconte son enfance et la naissance de sa vocation littéraire. Il vit entouré de sa mère et de son grand-père et c'est ce dernier, qui, alors que l'enfant avait sept ans, le conduisit pour la première fois chez le coiffeur. Cet épisode apparemment anodin se révèle pourtant important dans la construction de la personnalité de l'auteur.
[...] Pourtant, le théâtre de boulevard se caractérise par un dénouement heureux: après avoir essayé de les tromper, les maris reviennent vers leurs femmes pour sauver leur couple. Dans le vaudeville sartrien rien de tel: le dénouement est malheureux et irrévocable. Le narrateur fait alors intervenir une autre référence littéraire, celle du conte. Les contes sont en effet peuplés de personnages qui subissent des métamorphoses: les souillons se transforment en fées et les crapauds en princes charmants. Mais l'enfant était prince et devient crapaud» : la magie du conte est brisée, désormais: plus émerveillements» (1. 26). Ce décalage par rapport aux codes littéraires fait sourire le lecteur. [...]
[...] Le récit repose donc sur un jeu d'oppositions qui lui confère tout son dynamisme. [B. Un anti héros] De plus, Sartre qui a écrit des romans aussi bien que des pièces de théâtre, multiplie dans cet extrait les références littéraires, et se présente comme un anti héros. Il peint la vie familiale comme un vaudeville endiablé Cachotteries amusées ou vertueuses; cadeaux inattendus, révélations théâtrales suivies d'embrassements où les quiproquos ne sont pas rares. On remarque que lorsqu'il évoque le coup de théâtre» (1. [...]
[...] La faiblesse physique] Il souligne ainsi sa faiblesse physique. L'enfant qui est mis en scène n'a en effet rien de séduisant. Il est sans cesse sujet à la maladie: le premier paragraphe évoque une opération pour enlever l'appendice «appendice ; clinique Il ; opération le second, une maladie des yeux mon œil droit entrait dans le crépuscule 23). Quant à l'apparence de l'enfant, même l'amour maternel ne parvient pas à éluder sa laideur Le grand-père y est également sensible, qui qualifie son petit fils de «crapaud» (1. [...]
[...] Jean-Paul Sartre, Les Mots, l'épisode du coiffeur Commentaire de texte Un jour - j'avais sept ans - mon grand-père n'y tint plus: il me prit par la main, annonçant qu'il m'emmenait en promenade. Mais, à peine avions-nous tourné le coin de la rue, il me poussa chez le coiffeur en me disant : Nous allons faire une surprise à ta mère. J'adorais les surprises. Il y en avait tout le temps chez nous. Cachotteries amusées ou vertueuses, cadeaux inattendus, révélations théâtrales suivies d'embrassements: c'était le ton de notre vie. [...]
[...] [Conclusion partielle] Le récit transforme donc cette première coupe de cheveux en une aventure fabuleuse et pleine de rebondissements, ce qui traduit la distance amusée de l'adulte face à ses enthousiasmes et ses déceptions d'enfant. [Conclusion] Une première visite chez le coiffeur: tel est l'épisode anodin que relate ici Sartre. Il s'agit en réalité pour l'autobiographe de quitter l'enfance rêveuse et d'ouvrir les yeux sur l'univers qui l'entoure. Pour ne pas donner toutefois trop de gravité à la narration, il se moque gentiment de l'enfant qu'il a été. Ainsi, si le petit Sartre est laid, l'écrivain se plaît à rappeler qu'il a acquis de l'humour et de l'esprit. [...]
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