Morella, Ligeia, Edgar Allan Poe, La Morte amoureuse, Arria Marcella, Théophile Gautier, Sylvie, personnage féminin, fantastique
« Il fallait qu'elle apparût reine ou déesse, et surtout ne pas s'en approcher », c'est en ces termes que Gérard de Nerval décrit dans Sylvie, celle qu'il nommera lui-même sa nouvelle la plus réussie, la relation idéale. Une exigence immense vis-à-vis de l'être aimée qui « reine ou déesse » se doit d'être supérieure aux médiocrités inhérentes à l'incarnation humaine. En écrivant des personnages féminins fantastiques et donc hors du commun dans leurs nouvelles Morella, Ligeia, La Morte Amoureuse et Arria Marcella, Edgar Allan Poe et Theophile Gautier semblent s'inscrire dans une dynamique commune à celle de la Sylvie de Gérard de Nerval.
[...] Bien plus des muses qui suscitent l'art, elles sont les créatrices : qu'il s'agisse d'une fertilité réelle, qui donne naissance à un enfant comme dans Morella, ou d'une fécondité artistique dans Spirite, qui inspire Guy de Malivert. De même, la première rencontre avec Arria Marcella s'opère via son sein, symbole créateur par excellence, au Musée des Studii, temple de l'art. Plus encore, la beauté de Clarimonde semble surpasser les plus belles oeuvres d'arts. L'auteur écrit ainsi « Oh Comme elle était belle Les plus grands peintres, lorsque, poursuivant dans le ciel, la beauté idéale, ils ont rapporté sur la terre, le divin portrait de la Madone, n'approchent même pas la fabuleuse réalité. [...]
[...] Parce qu'ils mettent en scène des femmes à qui l'on vouent un amour inconditionnel, Edgar Allan Poe et Théophile Gautier établissent l'être aimé à un rang de très loin supérieur au quotidien. Bien plus que le simple processus de cristallisation décrit par Stendhal, inhérent au sentiment amoureux, les deux auteurs exaltent l'idéalisation au-delà des limites du réel et de l'humain. Malgré tout, en entrant en relation, en s'incarnant dans une réalité, l'idéal ne résiste pas, se révèle toxique, puis finit par se briser, non sans laisser des marques douloureuses. [...]
[...] Tenter d'approcher trop près, c'est risquer de tout perdre. De la même manière que la Sylphide meurt quand James pose le voile qui doit permettre de la capturer, les femmes des quatre oeuvres trouvent la mort définitive du fait de leur relation aux hommes. Edgar Allan Poe écrit ainsi dans Romance « Je ne pouvais aimer sans que la Mort Mêlât son souffle à celui de la beauté ». Ligeia comme Morella sont les mots qui ouvrent et clôturent les textes. [...]
[...] Ce qui réussi chez Ovide et échoue chez Gautier semble tenir dans l'objectif poursuivi. Le héros des Métamorphoses est en quête d'un amour qu'il façonne certe, mais qu'il accepte comme un être incarné et donc imparfait, là où les amants de Gautier cherchent à perdurer dans un idéal sans concession. Ce refus de compromis semble également présent chez Poe : Morella meurt en donnant la vie, ce qui à trait au rejet de l'incarnation comme à la fonction primaire de la femme. [...]
[...] Dans Ligeia et La Morte amoureuse, les amants sont « en extase » c'est-à-dire « en dehors de sois » et on ne peut nier le changement qu'opèrent les femmes sur les hommes. Ainsi, Romuald passe de prêtre à cavalier et en vient remettre ses voeux religieux en question. Pour autant, cette expérience de la beauté et de la perfection qui révèlent une face sombre voir ou profonde noirceur, n'est-elle pas également simplement un miroir pour les hommes d'affronter leurs désirs profond ? [...]
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