L'utopie de Montesquieu et Voltaire : différences et ressemblances

Résumé du document

Différences et ressemblances entre l'utopie de Montesquieu et celle de Voltaire dans Les Troglodytes et L'Eldorado. Héros utopiques, paysages utopiques, utopie au service de la philosophie.

Extraits

[...] L'un de leurs principaux représentants est l'énigmatique Morelly, auteur du Code de la lune (1755), ouvrage célèbre dans lequel l'auteur reprend sous forme dogmatique les éléments de son œuvre utopique On doit citer aussi Restif de la Bretonne dont l'œuvre abonde en "îlots" utopiques: ainsi les statuts du bourg d'Oudun, dans le Paysan Perverti, ou les vingt épouses des vingt associés, dans les Contemporaines, épisode dans lequel Gérard de Nerval voyait décrite "une communauté déjà phalanstérienne". En abandonnant le cadre du voyage imaginaire pour installer l'utopie dans la campagne française. Les physiocrates. Au sein des partisans de l'ordre naturel, ils sont les seuls à écarter communisme et communautarisme, pour revendiquer, au contraire, le droit de propriété. Ils rêvent d'un état fort garantissant la liberté du commerce. [...]

[...] Néanmoins, le jeune messager de Voltaire a décidé de quitter l'Eldorado et de poursuivre un chemin épineux dans un monde nauséabond. Audacieux, il a préféré la lutte inlassable au luxe permanent afin de nous offrir au dernier chapitre, une suprême leçon de liberté et de sagesse. Le choix de Candide correspond à l'opinion du moraliste Cioran,voyant que la position de l'homme dans la société utopique ne lui permet pas de connaître son échec et d'entrer en discordance avec son monde, son humanité s'enlève et il s'intègre, sans le savoir, dans" un système immuable." Ce philosophe affirme à la fin de son article que "Si selon Sartre dans la société réelle l'homme est condamné à être libre, dans la société utopique il serait condamné à être heureux." 1 Cette citation est extraite d'un article intitulé A la recherche du modèle utopique. [...]

[...] A l'inverse, Varennes de Mondasse, avec la Découverte de l'Empire de Cantahar (1730), prône une réaction absolutiste, rejoint par l'abbé Terrasson (Sethos, 1731), dont la République des Atlantes consacre l'alliance du trône et de l'autel. Mais le plus célèbre de ces "conservateurs éclairés" est sans doute Stanislas Lczinski, roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar, qui publie en 1752 son Entretien d'un Européen avec un insulaire du Royaume de Dumocala. Les tenants d'un état patriarcal. Tentés, à la suite de Montesquieu, Rousseau, Diderot, par un certain retour à l'état naturel, mais persuadés de la nécessité d'organiser la collectivité, ceux-ci se contenteront d'emprunter quelques "éléments naturels" pour les intégrer à leur société imaginaire : communauté des biens, organisation patriarcale, religion naturelle, économie agricole. [...]

[...] La pensée philosophique de Voltaire ne se développe complètement qu'au chapitre 30 à la rencontre du vieux turc. A cette phase finale, on rejette définitivement la humble philosophie de Pangloss et on se rend compte qu'il "il faut cultiver notre jardin." "travaillons sans raisonner, dit Martin, c'est le seul moyen de rendre la vie supportable." (Candide P160) Selon Voltaire, une vie harmonieuse est possible à réaliser sur le monde réel car l'édifice utopique n'est qu'un rêve qui s'effondrera au premier rayon de soleil et la personnalité individuelle s'effacera dans la masse d'une collectivité. [...]

[...] Selon lui, l'exactitude dans la localisation ne serait pas cohérente avec la beauté extrême de ce genre fictif, car elle ne fait que heurter l'imagination du lecteur ou l'orienter vers une comparaison futile entre le réel et l'irréel. L'humaniste anglais a voulu que sa terre utopique soit une île, occupant un territoire clos et totalement séparé du reste du globe. Justifiant le recours à cet endroit merveilleux, Micheline HUGUES nous propose les raisons suivantes: "Les raisons de ce choix relèvent à la fois de l'imaginaire et du rationnel. Au niveau symbolique, l'île est un centre, le ( nombril du monde ) , d'où jaillissent la vie, l'énergie originelle. [...]