Il s'agit pour Montesquieu de déjouer la censure. Découvrant la France ou l'Europe, les personnages de ce récit (Usbek et rica, deux Persans ; Roxane restée au sérail d'Ispahan en Perse) peuvent feindre l'étonnement devant ce qu'ils voient pour la 1ere fois.
Leur statut d'étranger leur confère une innocence de bon aloi qui met surtout au jour pour le lecteur français l'étrangeté de ses propres moeurs (...)
[...] Mais la force de persuasion de cette lettre réside également dans le mélange inattendu des registres ironique et tragique pour mettre en scène la mort de l'héroïne. II] Une mise en scène entre ironie et tragédie L'ironie de Roxane comme arme du discours On remarque tout d'abord la provocation des affirmations lapidaires (lignes selon un rythme ternaire où chaque proposition juxtaposée (parataxe, lignes 29-31 également) semble constituer un coup de plus porté contre l'époux, ex-maître de la femme. De même le 3ème paragraphe accumule selon un rythme ternaire marqué par l'anaphore de de ce que les raisons qu'aurait Usbek de [lui] rendre grâces On peut souligner ensuite, la multiplication des antithèses ironiques qui sont autant d'attaques : (ligne délices et plaisirs répondent à affreux sérail ; (ligne 12) adorer tes caprices ; (lignes 23-24) soumission à tes fantaisies ; (lignes 14-15) opposition renforcée par le rythme binaire ; (lignes 30-31) double antithèse (renforcée également par le rythme ternaire) entre heureux et trompée opposé lui-même à trompais ; (lignes 26-27) amour s'oppose à haine (rythme binaire). [...]
[...] Dans cette dernière lettre du roman (excipit), le philosophe donne la parole à Roxane, la nouvelle épouse d'Usbek, celui-ci possédant jusque-là les certitudes du maître Cette dernière lettre constitue en fait une réponse à la lettre 26 dans laquelle Usbek associait son sérail au séjour de l'innocence dans le doux pays de la Perse et dans laquelle il évoquait les réticences de Roxane, qu'il attribuait à sa trop grande pudeur. Comment Montesquieu arrive-t-il à mettre le roman au service de l'argumentation ? Comment plus précisément le philosophe fait-il de la vengeance du personnage de Roxane un combat pour la liberté contre toute servitude ? La stratégie argumentative peut s'analyser en trois temps : les attraits du roman épistolaire oriental, la mise en scène entre ironie et tragédie, la vengeance féminine symbolique. Les attraits du roman épistolaire oriental. [...]
[...] Les caractéristiques du genre épistolaire La lettre est un énoncé ancré dans la situation d'énonciation (personnes du discours : 1ère et 2ème personnes ; présence du destinateur et du destinataire ; lieux ; dates) Il s'agit d'une réponse de Roxane à son époux : affirmation 1.1 oui, je t'ai trompé ; 1.10 comment as-tu pu penser [ ] ; négation 1.15 non ; allusion à la lettre 261.25 au plus-que-parfait tu étais étonné de ne point trouver en moi les transports de l'amour Le romanesque traditionnel de cette lettre On peut rappeler la mode de l'orientalisme au début du siècle des Lumières, l'influence des nombreux récits de voyage qui dévoilent la Perse, la Chine, l'islam et amènent à la notion de relativité des coutumes et des lois. Par exemple, les Mille et Une Nuits sont traduites pour la 1ere fois en France et publiées en 1712. Montesquieu recourt donc ainsi à un Orient romanesque dans le goût des lecteurs. Il y a une stratégie de persuasion. La lettre révèle une couleur orientale plaisante et dépaysante. [...]
[...] La dénonciation de l'absolutisme incarné par Usbek Il y a une remise en cause totale dans cette dernière lettre des principes philosophiques affirmés par Usbek jusqu'ici, c'est-à-dire l'avidité à s'instruire et se former par les autres, le souci de la justice, le respect d'autrui, la conscience du relativisme des opinions et des coutumes L'autoritarisme, le despotisme (ligne la folie meurtrière et donc l'aveuglement (lignes l'égoïsme et l'arbitraire sont dénoncés, ce qui n'est pas sans rappeler l'autorité omnipotente, despotique et donc contestable du règne de Louis XIV. Le sérail d'Ispahan rappelle bien la cour de Versailles. La lettre, devenue apologue, prend alors des allures de réquisitoire. L'affirmation d'une morale pragmatique (concrète, applicable) et naturelle Donner au final la parole à Roxane, c'est remettre en cause les grands principes théoriques qui ne servent à rien si l'on ne sait les appliquer ne serait-ce qu'à l'échelle individuelle et personnelle, ce que semble signifier l'échec final d'Usbek. [...]
[...] Objet d'étude : convaincre, persuader, délibérer et Les Lumières. Commentaire composé sur la Lettre 161 des Lettres Persanes de Montesquieu (1721) Introduction : Il s'agit pour Montesquieu de déjouer la censure. Découvrant la France ou l'Europe, les personnages de ce récit (Usbek et rica, deux Persans ; Roxane restée au sérail d'Ispahan en Perse) peuvent feindre l'étonnement devant ce qu'ils voient pour la 1ere fois. Leur statut d'étranger leur confère une innocence de bon aloi qui met surtout au jour pour le lecteur français l'étrangeté de ses propres mœurs. [...]
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