Alors que la Renaissance poussait son dernier soupir et que les guerres de religions faisaient rage, l'humaniste Michel de Montaigne décidait d'expliquer l'Homme dans sa splendeur et sa décadence au travers d'un immense ouvrage autobiographique, les Essais. L'extrait du 31ème chapitre que nous allons étudier, "Des Cannibales", tend à décrire les pratiques réservées par ces peuplades de l'autre monde, à leurs ennemis capturés durant la bataille.
Avant Montaigne, les récits de voyage d'auteurs comme Las Casas ou encore Jean de Lésy avaient tenté de redonner à cet autre monde une figure humaine, dépeignant un portrait aux contours étrangement similaires aux nôtres. Malgré tout on peut imaginer la vision portée à l'époque, sur ces créatures dont l'humanité restait à prouver, au vu de la bestialité apparente dont ils faisaient preuve. Mais à aucun moment Montaigne ne s'égarera dans quelque froncement de sourcils heurté, préférant une toute autre appréciation sur cette nouvelle civilisation.
Observons donc le cheminement de son raisonnement, ce regard incongru comparant la barbarie cannibale avec la cruauté gratuite des occidentaux, traduisant au final la valeur des intentions de Montaigne.
Au cours de trois parties distinctes, Montaigne déploiera son argumentation de façon croissante, ne révélant que progressivement sa thèse et les arguments qui s'y attachent.
La première partie, qui s'étend de la ligne 1 à 18, exposera une simple description des us et coutumes des cannibales, leur attitude à l'attention des ennemis faits prisonniers. Cette impression de neutralité, comme si Montaigne était un simple observateur, est renforcée par le présent de vérité générale qui en parsème les lignes avec des verbes comme « Ils ont » à la ligne 1, ou « ne finissent », ligne 6. (...)
[...] Aussi l'auteur, dans sa digression de la ligne 37 à 39, fait-il le lien de cette cruauté occidentale gratuite, ce penchant pour l'atroce beaucoup plus déroutant que celui des cannibales, avec les guerres de religion. Il faut souligner que Montaigne fut le modérateur des relations belliqueuses entre protestants et catholiques, durant la sombre époque des conflits religieux. Il attribue en effet une liste noire de sauvagerie à la piété et la religion sous-entendant que les vengeances que nous réservons non entre de vieux ennemis, mais entre des voisins et des concitoyens sont biens pires que celles réservées par les cannibales à leurs plus grands adversaires, sous le prétexte d'une différence de foi. [...]
[...] Cette impression de neutralité, comme si Montaigne était un simple observateur, est renforcée par le présent de vérité générale qui en parsème les lignes avec des verbes comme Ils ont à la ligne ou ne finissent ligne 6. La première phrase de la seconde partie, s'étalant entre les lignes 18 et 30, sera consacrée à la réfutation d'une thèse communément admise. En effet, ce n'est pas, comme on le pense, pour s'en nourrir que ce peuple se livre à l'anthropophagie, mais par vengeance. Montaigne, se faisant l'avocat de cette civilisation, nous en livre la preuve nous renvoyant à d'irréfutables faits historiques ; les actes barbares des occidentaux. [...]
[...] L'extrait du 31ème chapitre que nous allons étudier, Cannibales tend à décrire les pratiques réservées par ces peuplades de l'autre monde, à leurs ennemis capturés durant la bataille. Avant Montaigne, les récits de voyage d'auteurs comme Las Casas ou encore Jean de Lésy avaient tenté de redonner à cet autre monde une figure humaine, dépeignant un portrait aux contours étrangement similaires aux nôtres. Malgré tout on peut imaginer la vision portée à l'époque, sur ces créatures dont l'humanité restait à prouver, au vu de la bestialité apparente dont ils faisaient preuve. [...]
[...] La barbarie des cannibales perd donc une grande partie de sa dimension horrible, vite éclipsée par celle des occidentaux, parfois prêt à tuer leurs propres voisins pour une question de religion. Ainsi Montaigne, par un long procédé d'argumentation dévoilant peu à peu ses convictions acérées, démontera les thèses qui n'admettaient que la bestialité dans le cannibalisme de ces nouvelles civilisations, et juger a avec aigreur les actes des occidentaux en réalité beaucoup plus sauvages dans la férocité de leurs représailles. [...]
[...] C'est pourquoi, si une chose est remarquable dans son discours c'est la manière dont il s'emploie à décrire les cannibales, ce regard étrangement doux pour l'époque qui découvrait les mystères de ces terres inconnues. Le ton dominant à leur encontre est plutôt détaché de tout jugement péjoratif, celui d'un témoin curieux qui n'hésite pas à en décrire tous les détails terribles, de la façon dont ils font rôtir l'ennemi, à sa tête que l'on attache à l'entrée de son logis dans une simple volonté d'exactitude. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture