Commentaire composé de l'extrait "De la présomption" tiré des Essais de Montaigne.
[...] Montaigne va donc choisir de se peindre en exagérant ses incapacités. Texte J'ay au demeurant, la taille forte et ramassée, le visage, non pas gras, mais plein, la complexion entre le jovial et le melancholique, moyennement sanguine et chaude, Unde rigent setis mihi crura, et pectora villis : La santé, forte et allegre, jusques bien avant en mon aage, rarement troublée par les maladies. J'estois tel, car je ne me considere pas à cette heure, que je suis engagé dans les avenues de la vieillesse, ayant pieça franchy les quarante ans. [...]
[...] Je me sens poiser aux escoutans : autrement bon clerc. Je ne sçay pas clorre à droit une lettre, ny ne sçeuz jamais tailler plume, ny trancher à table, qui vaille, ny equipper un cheval de son harnois, ny porter à poinct un oyseau, et le lascher : ny parler aux chiens, aux oyseaux, aux chevaux. Mes conditions corporelles sont en somme tresbien accordantes à celles de l'ame, il n'y a rien d'allegre : il y a seulement une vigueur pleine et ferme. [...]
[...] Les aptitudes sont atténuées et les incapacités accentuées : le fils n'a aucune aptitude sauf à la course, mais cette aptitude est relativisée par la parenthèse qui vient nuancer, et l'adjectif "médiocres", avec la mise au pluriel montrent qu'il ne sort pas du lot : "sauf au courir (en quoi j'étais des médiocres)", "de la musique, ni pour . jamais du rien apprendre". Tout cela est mis en évidence grâce aux expressions de la nuance, des adverbes et locutions adverbiales d'intensité, grâce aux pronoms et adjectifs indéfinis et aux négations partielles (ne . que), grâce à l'abondance des négations totales (ne pas, ne . jamais), au parallélisme et aux accumulations. Ainsi, ses aptitudes sont atténuées et ses incapacités accentuées. [...]
[...] mais", "moyennement". Et d'autre part le présent et l'avenir où Montaigne sent que ses forces diminuent, l'abandonnent : "demi être" (ligne "je m'échappe", "me dérobe". Il voit qu'il ne peut rien contre la fuite du temps : il sait que la vieillesse le mène inévitablement à la mort comme le montre la métaphore "les avenues de la vieillesse" où la vieillesse est comparée à un quartier. Cette opposition l'amène à prendre ses distances par rapport à lui-même et à se poser la question de l'identité : voir verbe de dépossession "je m'échappe", et l'expression "ce ne sera plus moi". [...]
[...] On peut penser qu'il est ironique. La conclusion est plutôt humoristique puisqu'il trouve qu'il y a une correspondance entre son physique médiocre et son intellect, et en a l'air presque satisfait : "en somme". Ce procédé de clôture où la fin reprend l'équilibre du texte donne une unité au texte de Montaigne. Conclusion Cet autoportrait qui insiste sur les incapacités est plus que modeste et serait conforme au projet d'écriture de Montaigne qui était de se peindre sans présomption avec un regard lucide parfois sévère ou amusé montrant qu'il ne se prend pas au sérieux. [...]
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