Dans cet extrait, Montaigne recourt à un texte argumentatif qui présente son modèle idéal d'éducation. On relève ainsi :
- le présent d'énonciation, notamment la reprise anaphorique de "Je ne veux pas" (lignes 1 et 2).
- les connecteurs logiques ("car", lignes 18 et 23 ; "Mais", lignes 25 et 29...).
Son argumentation oppose alors clairement :
- le rejet d'une éducation dangereuse pour les enfants, marqué par une accumulation de formules négatives ("je ne veux pas", lignes 1 et 2 ; "Ni ne trouverais bon", ligne 4 ; "Ni ne veux gâter", lignes 9-10).
- une observation générale. Conformément au projet humaniste des Essais,
Montaigne adopte donc une démarche scientifique (observation et déduction). Cette observation repose ainsi sur un "nous" (ligne 12...) généralisant et le pronom indéfini "on" (lignes 5, 6...).
- suivie des règles d'une éducation idéale, marquées par un futur programmatique ("seront", ligne 33) et un retour à la première personne du singulier, mais cette fois-ci de manière positive ("Je veux", ligne 35).
(...) Par l'utilisation récurrente de la première personne du singulier ("je ne veux pas", ligne 1...), l'auteur montre qu'il s'engage dans son propos et présente cette conception de l'éducation comme sienne.
De plus, de nombreux verbes modalisateurs (comme "veux" par exemple), des noms (comme "incivilité" et "barbarie", ligne 10) et des adjectifs évaluatifs ("furieux", ligne 2 ; "bon", ligne 4 ; "ineptes", ligne 7 ; "abêtis", ligne 9) lui permettent de prendre parti contre ceux qui dispensent un enseignement qu'il estime dangereux et de s'engager en faveur de l'enseignement humaniste (...)
[...] - finalisée par des résultats déplorables, le champ lexical de la bêtise (ineptes, ligne 7 ; abêtis, ligne 8 ; abrutissent, ligne 16) témoignant de la corruption du but recherché par l'éducation voulue. L'idéal humaniste Il apparaît très nettement exposé par : - la formation du jugement En effet, il ne s'agit pas de thésauriser des connaissances mais d'apprendre à réfléchir (philosophie, ligne 19 ; de jugements et des mœurs, ligne 19 ; de l'homme et de ses devoirs et offices, ligne 26) par les disciplines variées d'un enseignement complet et pluridisciplinaire, qu'une longue énumération souligne : .activités sportives (la course, la lutte, lignes 34-35) .activités artistiques (la musique, la danse, ligne 35) .activités seigneuriales (la chasse, le maniement des chevaux et des armes, ligne 35). [...]
[...] - la métaphore platonicienne De fait, en empruntant la comparaison comme une couple de chevaux attelés à même timon (lignes 38-39) au Timée de Platon (dialogue décrivant la genèse du monde physique et de l'homme), il souhaite mieux faire saisir la nécessité d'une éducation complète. Conclusion Là où Rabelais préfère l'apologue, dans De l'institution des enfants Montaigne apporte sa contribution à la réflexion des humanistes sur l'éducation. Néanmoins, il prend soin de rendre ici son texte argumentatif persuasif par son implication personnelle et le recours à des images qui aident le lecteur à comprendre son propos. [...]
[...] Montaigne, Essais, Livre chapitre XXVI (extrait), De l'institution des enfants ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Michel de Montaigne (1533-1592) est un auteur phare de l'humanisme français. Magistrat qui participe à la vie politique de son époque (il est plusieurs fois élu maire de Bordeaux), il est l'auteur d'un livre qui a influencé toute la culture occidentale : les Essais. Œuvre inclassable, elle tient à la fois de l'autobiographie, du journal et de l'essai. L'auteur y a consacré plus de dix ans de sa vie et y est revenu sans cesse pour corriger, compléter, prolonger ce qui avait déjà été rédigé. [...]
[...] Mais comme les pas que nous employons à nous promener dans une galerie quoiqu'il y en ait trois fois autant, ne nous lassent pas comme ceux que nous mettons à quelque chemin desseigné, aussi notre leçon, se passant comme par rencontre5, sans obligation de temps et de lieu, et se mêlant à toutes nos actions, se coulera sans se faire sentir. Les jeux mêmes et les exercices seront une bonne partie de l'étude ; la course, la lutte, la musique, la danse, la chasse, le maniement des chevaux et des armes. Je 35 veux que la bienséance extérieure6, et l'entregent7, et la disposition de la personne, se façonne quant et quant à l'âme. [...]
[...] À la vérité, nous voyons encore qu'il n'est rien de si gentil que les petits enfants de France ; mais ordinairement ils trompent l'espérance qu'on en a conçue, et, hommes faits, on n'y voit aucune excellence. J'ai ouï tenir à 15 gens d'entendement que ces collèges où on les envoie, de quoi ils ont foison, les abrutissent ainsi. Au nôtre, un cabinet, un jardin, la table et le lit, la solitude, la compagnie, le matin et le vêpre3, toutes les heures lui seront une, toutes places lui seront étude ; car la philosophie, qui, comme formatrice de jugements et des mœurs, sera sa première 20 leçon, a ce privilège de se mêler partout. [...]
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