Commentaire composé de l'extrait "Sur Démocrite et Héraclite" tiré des Essais de Montaigne.
[...] C'est une revendication humaniste, qui place l'esprit comme valeur suprême. "Le jugement" est décrit comme un "outil", au service de la connaissance et de l'esprit (voir plus loin "l'on s'en sert"), et sa puissance est soulignée dans la première phrase par l'adjectif indéfini dans "tous les sujets" et par l'adverbe temporel "partout". On peut voir dans le texte que le jugement est souvent sujet des phrases, et que c'est lui qui semble guider l'auteur. La deuxième phrase met en place d'autres critères importants : le sens du terme "raison" est ici celui de "justification", mais il fait évidemment écho avec le sens de "capacité de réflexion". [...]
[...] Parmi les fonctions de l'âme, il en est de viles : qui ne la voit aussi sous ce jour ne la connaît pas vraiment. Et peut-être est-ce quand elle va de son propre pas qu'on l'observe le mieux. Le souffle des passions l'atteint surtout dans ses nobles dispositions. Et à cela s'ajoute le fait qu'elle s'applique et s'attache entièrement à chacune, sans jamais s'occuper de plus d'une seule à la fois. L'âme ne traite pas une passion pour ce qu'elle est, mais en fonction de l'idée qu'elle s'en fait. [...]
[...] La même idée d'humilité est reprise à la ligne 14, où Montaigne refuse la tentation de l'exhaustivité. Si c'est une avancée par rapport à l'échec précédent, puisque l'auteur peut s'approcher du sujet que son esprit lui a proposé, il ne peut toutefois oublier le caractère imparfait de l'esprit, qui ne peut avoir une vue complète des sujets qu'il aborde. Montaigne commence par parler de sa propre imperfection, avec une phrase à la première personne (ligens 14/15), mais la seconde partie de la phrase est généralisante et adresse un reproche global à tous ceux qui prétendent connaître à fond le sujet. [...]
[...] Texte Le jugement est un outil bon pour tous les sujets, et on s'en sert partout. C'est pour cela que je profite de toutes les occasions pour en faire ici des Essais S'il s'agit d'un sujet que je ne connais pas, je le teste sur lui : sondant le gué de très loin, si je le trouve trop profond pour ma taille, je reste sur la rive. Le fait de reconnaître que je ne puis traverser, c'est justement un trait caractéristique de ses effets, et précisément celui dont il est le plus fier. [...]
[...] Et le plus souvent, j'aime saisir les choses par leur côté insolite. Je me risquerais à traiter à fond quelque sujet si je me connaissais moins, et si je m'abusais moi-même sur mes capacités. Prenant un mot ici, un autre là, échantillons sortis de leur contexte, sans dessein et sans avoir rien promis à mon lecteur, je ne suis pas tenu d'en tirer quelque chose de bon, ni de m'y tenir moi-même sans changer d'avis quand il me plaît; je puis me livrer au doute et à l'incertitude, voire à l'état qui domine chez moi : l'ignorance. [...]
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