Molière connaît son premier grand succès parisien avec Les Précieuses ridicules, représentées en 1659. La farce, méprisée depuis une décennie, connaît alors un nouvel engouement. Molière a l'idée de mêler à la comédie de moeurs les ressorts comiques de la farce, dans cette pièce en un acte qui peint de manière satirique les manières, le langage et les idées trop raffinées des Précieuses à la mode. Gorgibus espère marier sa fille Magdelon et sa nièce Cathos, mais les deux "pecques provinciales" ne veulent ni amour ni mariage ordinaires, hors des formes les plus subtiles de la galanterie et des jeux d'esprit. Les deux prétendants évincés se vengeront d'elles, en leur envoyant des imposteurs, qui sauront les charmer : leurs propres valets. Dans la scène 2, Gorgibus a compris de la bouche de La Grange que l'entrevue avec les jeunes filles s'était mal passée. Il demande dans la scène 4 des explications : une discussion animée s'engage alors sur les conceptions divergentes de l'amour entre le "bon bourgeois" et les deux Précieuses (...)
[...] La critique de la préciosité : - La scène, comme la pièce, vise directement la mode précieuse. Les références sont nombreuses : Cyrus, Mandane, Aronce, Clélie renvoient aux romans-fleuves à succès de Mme de Scudéry, Artamène ou le Grand Cyrus et Clélie, histoire romaine, contemporains de Molière. Magdelon est d'ailleurs tiré de Madeleine (Magdalena). Les allusions de Cathos à la carte de Tendre et ses localités galantes renvoient aussi à la femme qui incarne ce mouvement littéraire. Polyxène et Aminte viennent d'autres modèles, celui de la pastorale, dont s'inspire précisément le roman précieux. [...]
[...] - Le niveau de langue permet aussi d'opposer frontalement le père et les filles. Gorgibus parle de manière simple, et son vocabulaire est parfois trivial, familier : graisser le museau jargon baragouin et balivernes ; la dépense la charge avoir sur les bras Les filles parlent un langage précieux, éloigné du concret et recherché : Souffrez que nous prenions Le moyen de / que Tendance à l'abstraction : vocabulaire à la mode, comme air chose et substantivation des adjectifs : le vrai le doux ; adverbes expressifs : furieusement Leurs propres noms ne leur conviennent pas : une oreille un peu délicate pâtit furieusement ; elles rejettent le vulgaire excluent ce qui ne relève pas du beau style Ainsi Magdelon choisit Polyxène et Cathos Aminte ; les sonorités sont plus heureuses. [...]
[...] - Les filles souhaitent que l'amour soit pris en compte, recherchent l'esprit dans le langage et le raffinement mais, comme pour Gorgibus, elles vont trop loin, refusent le naturel avec excès et ne sont plus compréhensibles. Bien que Molière les fasse apparaître ridicules comme le dit le titre, Magdelon et Cathos exigent à bon droit que le sentiment ait droit de cité dans le mariage, revendication constante dans les pièces du dramaturge. Magdelon déplore avec raison qu'on ne fa[sse] l'amour qu'en faisant le contrat du mariage et cette phrase accuse encore le père, par le mot très concret de contrat propre à la bourgeoisie qu'il incarne. [...]
[...] Les deux filles descendent tout juste de leur cabinet. La scène 4 complète donc l'exposition, en y mettant fin et en lançant immédiatement le débat de fond de la pièce. - Les renseignements donnés par Molière : L'exposition est complétée par les questions que pose d'emblée Gorgibus, deux dès sa première intervention : fait à ces messieurs ( ) ? recevoir ( ) pour maris ? Molière donne le nom des Précieuses, par le biais de Gorgibus : Cathos et vous Magdelon assez tardivement dans la scène ; ces noms n'ont guère de sonorités heureuses, ce qui tranche avec l'idée de Préciosité, et avec les longs développements tenus par elles sur le raffinement avant leur désignation précise. [...]
[...] - La position des filles : un amour romanesque et raffiné sur le modèle de la galanterie. Alors que le père a vu dans le mariage un début Magdelon y voit une fin : un roman serait bientôt fini et reprend cette idée dans un rythme ternaire qui veut souligner l'aberration proposée par le père : Mais en venir de but en blanc ( ne faire l'amour qu'en faisant ( et prendre justement le roman par la queue C'est que les filles voient dans le mariage un dénouement romanesque à des aventures (le mot est employé deux fois par Magdelon), et ces aventures sont celles de la galanterie, le nom ou l'adjectif étant employés cinq fois dans la scène, celles des romans, mot employé quatre fois. [...]
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