La situation même d'Elvire suscite la compassion du lecteur : cette grande dame, qui n'a pas pris le temps de changer de costume et se trouve en « équipage de campagne », vient avouer à Don Juan son amour et son égarement, tandis que lui reste impassible, même cynique (...)
[...] Elle cherche aussi à masquer son désarroi par de l'ironie : sa politesse initiale, ses questions sont ironiques, car elle a compris au premier abord que Don Juan ne l'aimait plus ; elle tient cependant à s'exprimer avec élégance et un semblant de désinvolture. Par ailleurs, elle n'accable pas son mari volage de reproches : elle s'accuse elle-même de faiblesse trouve à son cœur trop de simplicité et se donne pour sujet de presque toutes les phrases de la tirade ; elle ne critique pas Don Juan, évoquant une notion, la trahison sans lui en imputer directement, d'un point de vue stylistique, la faute. [...]
[...] Ce personnage de femme trompée est donc inattendu dans une comédie, et il donne à la pièce des moments de beauté grave. Louis Jouvet prendra même le parti, dans sa mise en scène de 1947, d'en faire une sainte tragique et sublime. Done Elvire réapparaît à l'acte IV, décidée à reprendre le voile, pour exhorter l'homme qu'elle aime à sauver son âme en changeant de conduite. Mais une fois de plus, ses paroles ne trouveront pas d'écho en Don Juan, qui bafoue les préceptes religieux autant que les sentiments d'amour vrai, et s'avance vers son destin. [...]
[...] La répartition de la parole et l'attitude des personnages laissent éclater les différences de sentiment entre Don Juan et sa femme. Celle-ci se montre encore très attachée à lui. Nous allons maintenant étudier l'expression de l'amour dans sa tirade. II. L'expression de l'amour L'aveuglement Done Elvire évoque ses sentiments pour Don Juan au passé, les liant constamment à son aveuglement volontaire. Malgré les apparences le relâchement d'amitié qu'elle voyait ce que ses yeux et son jugement lui faisaient comprendre, Done Elvire a cherché à nier les évidences. [...]
[...] Molière, Dom Juan, acte scène la tirade d'Elvire, commentaire. Texte étudié DONE ELVIRE. Me ferez-vous la grâce, Don Juan, de vouloir bien me reconnaître ? et puis-je au moins espérer que vous daigniez tourner le visage de ce côté ? DON JUAN. Madame, je vous avoue que je suis surpris, et que je ne vous attendais pas ici. DONE ELVIRE. [...]
[...] J'ai cherche des raisons pour excuser à ma tendresse le relâchement d'amitié qu'elle voyait en vous ; et je me suis forgé exprès cents sujets légitimes d'un départ si précipité, pour vous justifier du crime dont ma raison vous accusait. Mes justes soupçons chaque jour avaient beau me parler, j'en rejetais la voix qui vous rendait criminel à mes yeux, et j'écoutais avec plaisir mille chimères ridicules qui vous peignaient innocent à mon cœur. Mais enfin cet abord ne me permet plus de douter, et le coup d'œil qui m'a reçue m'apprend bien plus de choses que je ne voudrais en savoir. Je serai bien aise pourtant d'ouïr de votre bouche les raisons de votre départ. [...]
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