Molière, Dom Juan, Eloge du tabac

Résumé du document

Son Tartuffe ayant été interdit, Molière écrit Dom Juan très rapidement. Cette pièce en prose et un peu à part obtient un grand succès mais est bientôt interdite par le roi. Son originalité apparaît dès la scène 1 de l'acte I. Cette scène d'exposition étrange semble n'avoir aucun lien avec le sujet: Don Juan, qui devait être l'époux de Done Elvire, a abandonné celle-ci. Done Elvire et son écuyer Gusman sont partis à sa recherche. Nous ne saurons tout cela qu'à la fin de la tirade de Sganarelle, valet de Don Juan, dans laquelle il fait à Gusman qui est venu aux nouvelles un éloge paradoxal et hors de propos: celui du tabac. Cette tirade à la tonalité emphatique et solennelle est marquée par la verve du valet. Nous montrerons en quoi cet incipit constitue un prologue singulier, puis nous nous attacherons à caractériser le personnage de Sganarelle. Enfin, nous étudierons la présence du dramaturge dans cet extrait.

Extraits

[...] faisant preuve d'une certaine vantardise. Il cite Aristote, montrant qu'il est habitué à entendre les honnêtes gens, mais se démarque d'Aristote en s'oppose à lui. Il montre également qu'il a quelques connaissances en médecine : en effet, à l'époque, il était établi que le tabac purgeait le cerveau. De plus, le valet use de diverses figures de style: l'hendiadyn ("Aristote et toute sa philosophie"), l'hyperbole n'est rien d'égal au tabac"), l'antithèse, la maxime à la manière de La Rochefoucauld qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre"), les jeux de mots ("purge" au sens médical et au sens moral: chez Aristote, il s'agit de la purgation des passions) . [...]

[...] Cette tirade présente bien au spectateur le personnage double de Sganarelle, qui était joué par Molière et faisait toujours rire dès qu'il entrait en scène. Cette tirade apparemment gratuite est en réalité très signifiante. Sa démesure en annonce une plus grave, celle de Don Juan; elle annonce l'éloge de l'inconstance de la scène 2. Le dramaturge se manifeste dans cette tirade en exposant ici l'une de ses nombreuses réflexions sur l'homme et en nous présentant une esthétique nouvelle. [...]

[...] Enfin, la fin de la tirade est énigmatique : l'arrivée de Don Juan est annoncée et le spectateur attend une scène entre Don Juan et Elvire Comique du non-sens et de l'absurde Ainsi cette tirade, composée d'une partie gratuite puis d'éléments d'exposition, est double et rompt avec la tradition, à l'image de Sganarelle qui aime à la fois étonner et rester dans la norme. Cette tirade est absurde, car il s'agit d'un éloge paradoxal : celui d'un plaisir interdit qui inspirerait honneur et vertu. Ainsi Sganarelle introduit une complicité avec le spectateur, le fait rire, l'invitant à se détendre avant l'action. II) Caractérisation de Sganarelle 1. [...]

[...] Son originalité apparaît dès la scène 1 de l'acte I. Cette scène d'exposition étrange semble n'avoir aucun lien avec le sujet : Don Juan, qui devait être l'époux de Done Elvire, a abandonné celle-ci. Done Elvire et son écuyer Gusman sont partis à sa recherche. Nous ne saurons tout cela qu'à la fin de la tirade de Sganarelle, valet de Don Juan, dans laquelle il fait à Gusman qui est venu aux nouvelles un éloge paradoxal et hors de propos: celui du tabac. [...]

[...] Un prologue singulier 1. Tirade hors du propos Tandis que Sganarelle oublie l'intrigue pour faire l'éloge du tabac, le spectateur devine que Gusman est venu aux nouvelles et que Sganarelle prend son temps afin de le faire languir. Le valet nous détourne du propos avec une sorte de boniment de foire, éloge d'un plaisir à la mode mais interdit, le tabac puis semble se rendre compte de sa digression en déclarant "mais c'en est assez de cette matière, reprenons un peu notre discours" Manière singulière de capter l'attention Cet éloge du tabac contribue à une mise en valeur du véritable propos en contraste avec la digression : on apprend que Don Juan, qui devait être l'époux de Done Elvire, a abandonné celle-ci et que la jeune fille accompagnée de son écuyer est partie à sa recherche. [...]