Dom Juan est l'une des comédies les plus connues de Molière. Dès sa première représentation, en 1665, la pièce connaît le succès mais entraîne aussi le scandale et le déchaînement des dévots, en raison de l'esprit profondément libertin du héros éponyme Don Juan.
Le texte que nous avons à étudier, extrait de la scène 2 de l'acte I, est une tirade prononcée par ce dernier dans laquelle il développe sa conception de l'amour fondée sur l'inconstance du désir (...)
[...] Céder à cette tentation fait éprouver une douce violence (l.13). Cet oxymore illustre la sensation éprouvée par Don Juan à la vue d'une nouvelle proie potentielle. De fait, elle est douce car, à l'éveil du désir, une sensation de bien- être l'envahit ; mais elle est violente car elle ranime l'énergie, régénère l'être qui, tel le phénix, renaît des cendres de sa flamme. Ainsi, nous avons affaire à un véritable éloge de la beauté féminine et du bonheur ressenti par l'homme prêt à user de ses talents de séducteur. [...]
[...] Il rêve d'être le maître du monde du désir et de détenir non pas une seule mais toute les âmes. Son ambition n'est pas celle d'un homme mais bien plutôt celle d'un Dieu qui possèderait les âmes féminines. A cet égard, notons la présence du champ lexical du regard : yeux yeux yeux (l.16), voir (l.16), vois (l.19), voir (l.25). Don Juan fait ainsi part de l'importance du regard puisque celui-ci est à l'origine même de la stratégie du séducteur. Tel un chasseur, il guette la proie qui peut provenir de tout lieu. [...]
[...] Il trace son autoportrait en libertin, avide de plaisir et théoricien talentueux de l'amour. En effet, il affirme son refus de se soumettre à la pensée communément admise d'après laquelle chaque homme est destiné à se marier afin de passer son existence avec ce même être. Dans cette scène, cette idée est incarnée par le valet Sganarelle, auquel réfère le tu du héros. La tirade s'ouvre alors sur l'interjection Quoi ! suivie d'une phrase marquée par un rythme ternaire : qu'on se lie qu'on renonce qu'on n'ait plus (l.1, 2,3). [...]
[...] Un conquérant : Enfin, outre le fait que Don Juan peut être assimilé à un chasseur, il s'apparente aussi et surtout à un conquérant. Alors que le maître se satisfait de posséder, le conquérant jouit de repousser les limites de ses possibilités et parcourt le pays des femmes comme des territoires à emporter. Cette possession infinie se repère grâce au champ lexical du combat : combattre (l.26), armes (l.28), vaincre (l.29), conquêtes (l.37), conquérants (l.39), de victoire en victoire (l.40), Alexandre (l.43), conquêtes amoureuses (l.45). [...]
[...] Aussi mourra-t-il seul, foudroyé par la colère divine, sous les yeux de son valet. En se faisant génie dans le mal, il s'oppose à ses semblables qu'il taxe d'hypocrisie. Molière a-t-il donc voulu dénoncer les vices de l'impiété et de la luxure dans Dom Juan, conformément à la volonté moralisatrice de l'art de la seconde moitié du 17ème ? A-t-il souhaité mettre en lumière l'hypocrisie des dévots empêchant sa dernière comédie, Tartuffe, d'être jouée sur la scène du Palais Royal ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture