Tout au long de la tirade, Dom Juan va accentuer la portée de son éloge par de multiples procédés :
- il justifie l'hypocrisie par la mode, comme étant d'actualité. On note ainsi de nombreux modalisateurs de temps (maintenant, ligne 1 ; à la mode, ligne 2 ; aujourd'hui, ligne 3) associés au présent de l'indicatif qui a valeur de vérité générale.
- il généralise sa perception de l'hypocrisie et ne fait pas de cas particulier (...)
[...] En fait, il s'agit là de ce que Don Juan veut appliquer à sa propre personne. On note ainsi l'opposition entre ce qu'il est réellement et ce qu'il veut paraître aux yeux de la société. Ensuite, il va focaliser son discours sur sa propre personne Don Juan va alors abandonner la généralisation de son propos pour appliquer l'hypocrisie à sa propre personne et révéler ses véritables sentiments sur la religion et l'hypocrisie. Ce changement est souligné par l'apparition du pronom personnel je (douze occurrences des lignes 19 à 32) et du pronom tonique moi (ligne 25). [...]
[...] Je ferai le vengeur des intérêts du Ciel, et, sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai d'impiété, et saurai déchaîner contre eux des zélés indiscrets qui, sans connaissance de cause, crieront en public contre eux, qui les accableront 30 d'injures, et les damneront hautement de leur autorité privée. C'est ainsi qu'il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu'un sage esprit s'accommode aux vices de son siècle. [ ] Molière, Dom Juan, Acte scène 2 (la tirade de Dom Juan sur l'hypocrisie). Choque : offense. [...]
[...] Représentant une phase importante de la lutte de Molière contre les dévots de la Compagnie du Saint- Sacrement, Dom Juan illustre un mythe occidental moderne (c'est une réflexion sur le libertinage et ses excès) qui dit le désir profond de liberté de l'individu, borné par des contraintes multiples nécessaires à la vie en société. Dans la scène précédente, Don Juan joue la comédie de la conversion et feint le repentir devant son père. Le vieillard, attendri, s'en réjouit. Mais, dans cette tirade de la scène suivante, le héros baisse le masque et fait l'apologie de l'hypocrisie religieuse, qui lui permet d'être libertin en toute impunité, devant un Sganarelle scandalisé. [...]
[...] Il n'y a plus de honte maintenant à cela : l'hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d'homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu'on puisse jouer aujourd'hui, et la profession d'hypocrite a de merveilleux avantages. C'est un art de qui l'imposture est toujours 5 respectée ; et quoiqu'on la découvre, on n'ose rien dire contre elle. Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement ; mais l'hypocrisie est un vice privilégié, qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d'une impunité souveraine. [...]
[...] On a beau savoir leurs intrigues et les connaître pour ce qu'ils sont, ils ne laissent pas pour cela d'être en crédit parmi les gens ; et quelque baissement de tête, un soupir mortifié et deux roulements d'yeux rajustent dans le monde tout ce qu'ils peuvent faire. C'est sous cet abri favorable que je veux me sauver, et mettre en sûreté 20 mes affaires. Je ne quitterai point mes douces habitudes ; mais j'aurai soin de me cacher et me divertirai à petit bruit. Que si je viens à être découvert, je verrai, sans me remuer, prendre mes intérêts à toute la cabale et je serai défendu par elle envers et contre tous. [...]
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