C'est presque en catastrophe en 1665, à court d'argent à cause de l'interdiction du Tartuffe, que Molière, directeur de la troupe de l'Illustre Théâtre, présente au public sa version de Dom Juan, dont l'histoire connaît un vif succès en Europe depuis la pièce de Tirso de Molina. Les fameuses aventures du libertin séducteur et blasphémateur sont représentées par Molière dans une grande comédie en prose, en cinq actes, qu'on ne saurait qualifier de classique car il n'y respecte pas les règles d'unité. Il ne se contente pas d'imiter les pièces déjà existantes sur le sujet : il invente par exemple pour l'acte IV une succession de visiteurs plus ou moins vite éconduits.
Ainsi, après quelques conquêtes féminines (il a épousé puis abandonné Done Elvire, tenté de séduire deux paysannes) et méfaits (il a notamment tué un commandeur) en bord de mer et en forêt, Don Juan rentre chez lui et reçoit la visite du créancier M. Dimanche à la scène 3 : le bourgeois espère récupérer l'argent qu'il a prêté. Mais le seigneur Don Juan, qui ne l'entend pas de cette oreille, manipule à merveille ce petit marchand qu'il méprise et s'esquive sans avoir rien donné que des mots, le laissant avec son valet Sganarelle.
Comment Don Juan parvient-il à tromper le créancier ? Cette scène fait d'abord la démonstration de l'intelligence de Don Juan, par un dialogue qu'il mène de bout en bout avec grande habileté - c'est ce que nous étudierons d'abord. Ensuite, nous montrerons qu'il s'agit d'une grande scène comique et rythmée, dont M. Dimanche fait les frais. Mais le rire ne cache pas la critique portée par Molière contre la société de son temps : la scène fait se rencontrer une bourgeoisie que son ambition rend idiote et une aristocratie qui ne respecte rien et se joue de tout, nous le verrons dans un troisième temps (...)
[...] DON JUAN. Point, point, je veux que vous soyez assis contre moi. M. DIMANCHE. Cela n'est point nécessaire. DON JUAN. Otez ce pliant, et apportez un fauteuil. M. DIMANCHE. Monsieur, vous vous moquez, et DON JUAN. Non, non, je sais ce que je vous dois, et je ne veux point qu'on mette de différence entre nous deux. M. DIMANCHE. Monsieur DON JUAN. Allons, asseyez-vous. [...]
[...] La bourgeoisie n'est considérée que comme une banque facile à manipuler. - Don Juan fait semblant de parler à un égal en sachant que ce n'est pas le cas (l.68-69 : lui tendant la main : Touchez donc là, Monsieur Dimanche. Etes-vous bien de mes amis ? En tant qu'aristocrate, il sait qu'il incarne une catégorie enviée, et sa pratique de l'ironie traduit bien son mépris envers ceux qui lui sont inférieurs. Mais en même temps, il est réellement le débiteur de M. [...]
[...] Il ne se contente pas d'imiter les pièces déjà existantes sur le sujet : il invente par exemple pour l'acte IV une succession de visiteurs plus ou moins vite éconduits. Ainsi, après quelques conquêtes féminines (il a épousé puis abandonné Done Elvire, tenté de séduire deux paysannes) et méfaits (il a notamment tué un commandeur) en bord de mer et en forêt, Don Juan rentre chez lui et reçoit la visite du créancier M. Dimanche à la scène 3 : le bourgeois espère récupérer l'argent qu'il a prêté. [...]
[...] Et le petit Colin, fait-il toujours bien du bruit avec son tambour ? M. DIMANCHE. Toujours de même, Monsieur. Je DON JUAN. Et votre petit chien Brusquet ? Gronde-t-il toujours aussi fort, et mord-il toujours bien aux jambes les gens qui vont chez vous ? M. DIMANCHE. Plus que jamais, Monsieur, et nous ne saurions en chévir[1]. DON JUAN. Ne vous étonnez pas si je m'informe des nouvelles de toute la famille, car j'y prends beaucoup d'intérêt. M. DIMANCHE. Nous vous sommes, Monsieur, infiniment obligés. [...]
[...] Que je suis ravi de vous voir, et que je veux de mal à mes gens de ne vous pas faire entrer d'abord ! J'avais donné ordre qu'on ne me fît parler personne ; mais cet ordre n'est pas pour vous, et vous êtes en droit de ne trouver jamais de porte fermée chez moi. M. DIMANCHE. Monsieur, je vous suis fort obligé. DON JUAN, parlant à ses laquais. Parbleu ! coquins, je vous apprendrai à laisser M. Dimanche dans une antichambre, et je vous ferai connaître les gens. M. [...]
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