La problématique de l'imitation est au cœur du Bourgeois gentilhomme. Tout au long de la pièce, le personnage principal n'a qu'un souci : copier la noblesse. Il se fait enseigner les différents arts que tout gentilhomme doit connaître et pratiquer. Il veut s'habiller comme les nobles, connaître leurs usages et parler leur langage. Traitée ainsi, cette thématique est d'actualité pour les contemporains de Molière. En France, nombre de bourgeois aspirent à la noblesse. Des lois poursuivent les faux nobles qui fuient la roture et ses désavantages économiques. M. Jourdain est un représentant caricatural de cette classe sociale.
Ensuite, liée aux turqueries de l'acte V, lorsque M. Jourdain adopte le comportement d'un Mamamouchi, l'imitation renvoie aux efforts des Français pour accueillir le Turc Soliman Aga, en 1669. Louis XIV pense bien faire en recevant l'ambassadeur selon les usages turcs. Il se renseigne sur les coutumes orientales et déguise un de ses ministres. Mais cette initiative n'a pas les effets attendus et l'ambassadeur ne s'émerveille de rien. Ainsi, Molière profite des événements récents et des polémiques actuelles pour divertir ses deux publics. Les turqueries, à la mode, excitaient la curiosité du peuple parisien. Les spectateurs de la cour, quant à eux, devaient encore apprécier l'aspect ridicule de M. Jourdain, qui incarne la bourgeoisie montante. Cependant, l'intérêt de la pièce ne se résume pas au seul sujet d'actualité. Le genre de la comédie-ballet est l'occasion pour Molière d'évoluer. Intégrer la musique et la danse au récit dramatique lui ouvre de nouvelles perspectives stylistiques. Aussi, l'imitation possède d'autres profondeurs que nous tenterons d'examiner, à travers les scènes 9 et 10 de l'acte III.
[...] Je veux vous dire, Cléonte, le sujet qui m'a fait ce matin éviter votre abord. Non, je ne veux rien écouter. Je te veux apprendre la cause qui nous a fait passer si vite. Je ne veux rien entendre. P l à 137, l COVIELLE LUCILE CLÉONTE NICOLE COVIELLE Première unité de répétition LUCILE CLÉONTE NICOLE COVIELLE LUCILE CLÉONTE Sachez que ce matin Non, vous dis-je. Apprends que Non, traîtresse. Écoutez. Point d'affaire NICOLE COVIELLE LUCILE CLÉONTE NICOLE COVIELLE LUCILE CLÉONTE NICOLE Laisse-moi dire. [...]
[...] Covielle comble le manque de lucidité de son maître. Lorsque Cléonte ne trouve pas les bons mots pour obtenir la main de Lucile (III, le valet lui en fait le reproche : Vous avez fait de belles affaires avec vos beaux sentiments. l à 6). À la différence de Cléonte, il a cerné la folie du bourgeois. Dès lors, il cesse d'imiter son maître et prend des initiatives. À l'acte IV, déguisé en truchement, il parle à la place de Cléonte. [...]
[...] Les caractéristiques du ballet de paroles s'installent imperceptiblement pour le spectateur. Ainsi, le dialogue n'arrive pas brutalement au plus haut degré de la stylisation et l'impression d'artifice est limitée Gabriel Conesa, Le Dialogue moliéresque. Étude stylistique et dramaturgique, Paris, Presses Universitaires de France p Ibid Pour des commodités de lecture, les parties du ballet de la scène 10 sont retranscrites en annexes Première unité de répétition l à 139, l. Lucile est le premier maître du ballet. Ce rôle lui revient plutôt qu'à Nicole parce que l'usage veut qu'une servante parle en second. [...]
[...] Léger et dansant, le ballet de paroles conviendrait mal aux scènes suivantes. Les nouveaux problèmes qui accablent les amants sont autrement plus graves que la dispute et le ton du récit change en conséquence Le ballet dans le théâtre À travers les scènes 8 à 10, Molière a su divertir le public et faire le portrait des quatre amoureux. Cependant, s'il choisit le ballet de paroles pour parvenir à ces effets, c'est dans un souci d'unité esthétique. Il dit ne vouloir faire qu'une seule chose du ballet et de la comédie Avec Le Bourgeois gentilhomme, apothéose du genre de la comédie-ballet, il intègre parfaitement la musique et la chorégraphie au récit. [...]
[...] Non, je n'en ferai rien. Guéris-moi l'esprit. Non, il ne me plaît pas. Pp l à 142, l Fin du ballet CLÉONTE Hé bien ! puisque vous vous souciez si peu de me tirer de peine, et de vous justifier du traitement indigne que vous avez fait à ma flamme, vous me voyez, ingrate, pour la dernière fois, et je vais loin de vous mourir de douleur et d'amour. Et moi, je vais suivre ses pas. Cléonte. Covielle. Eh ? Plaît-il ? [...]
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