Tout d'abord, le cadre spatial est ambigu, le champ lexical de la mer : "varech" v3, "poisson" v3, "eaux" v7, "haute mer" v12, "embruns" v12 montre son ampleur et son immensité. Ensuite, la dimension onirique avec le verbe "rêver" et le rythme ternaire du v12 "mer", "embruns" et "île" accentue l'idée d'un lieu lointain, inconnu et étrange. Enfin, la "pluie" v5 qui estompe tout, la "brume" v14 et la "fumée" v15 contribuent à créer des contours qui ont le flou d'un tableau impressionniste. De plus, la tournure impersonnelle "il" et le verbe "flotter" au vers 1, auxquels s'ajoute le champ lexical de l'eau : "pluie" v5, "eaux" v7 et "mer" v12 suggèrent l'idée de liquéfaction. Par ailleurs, le vers 5 exploite les allitérations en "s" pour faire ressortir une impression de douceur monotone :
Ce jour de pluie oblique a doucement poncé
Le sentiment d'accablement est souligné par l'enjambement des vers 5 et 6 et par le ralentissement du rythme avec les nasales qui se font écho : adverbe en "ment" -> "doucement" v5 et "gréement" v6 = lourdeur, lenteur. De même, l'aspect pesant se retrouve dans l'indice temporel "de l'aube au soir" v11.
En définitive, les nasales "m" forment une voix grave qui traverse tout le poème. En outre, cette voix est particulièrement audible en raison des sonorités en "ment" qui contribuent, comme la pluie, à estomper les contours des images.
Par ailleurs, le champ lexical du vide, "vide" v13, "perdu" v11, "abîmes" v1 de même "sèche" v9 = qui est vide d'eau, symbolise le dessèchement de l'âme prise au piège du monde moderne. Cependant, le monde spirituel -> âme qui vit dans les "épaves ouvertes" et l'anaphore de la préposition "en" déterminent l'intériorité en opposition au monde moderne qui porte la trace de l'invention humaine. Cette opposition est nettement marquée par la confusion entre les éléments matériels : "chantiers" v4, "port" v6, "docks" v7, "épaves" v9, "navire" v14 et les notations immatérielles : "haleine" v1, "odeur" v3, "pensée" v8, "âme" v10, "rêver" v12. En conclusion, c'est l'écriture qui va ouvrir un espace imaginaire, hors du réel (...)
[...] Son recueil de poèmes intitulé Le Cœur Insulaire, publié en 2000, commence par une dédicace de l'auteur à un autre poète : à Guillevic en mémoire vive Les univers poétiques des deux poètes ont en commun une quête commune de recherches esthétiques et éthiques et leur interrogation essentielle est la même. Le premier recueil de poèmes de Mohammed Dib Ombre Gardienne est publié avec une préface de Louis Aragon : J'imagine Mohammed Dib d'après moi. Comment autrement m'y prendre ? Puis-je de mes yeux français saisir la naissance de la poésie algérienne ? Le roman, toujours, le conte, la nouvelle, c'est comme une invitation au voyage : j'entre avec l'auteur dans son Algérie inconnue. Mais le poème ? [...]
[...] De plus, il s'agit d'une métaphore filée de la condition du poète semblable à un oiseau, le Sîmorgh. Si le Phénix représente l'âme ou l'être céleste de chacun se consumant pour renaître à son propre monde, dans les récits mystiques chrétiens, le Sîmorgh dans la culture islamique, par son sens mystique et spirituel, évoque la sortie de l'exil, ce retour n'étant réalisable que par une connaissance de soi. D'où la présence marquée en début des vers 13,15 et 16 du je sujet pensant = poète qui fait appel à son guide, le Sîmorgh tu au v11 qui rime avec têtu au v10. [...]
[...] En conclusion, la dureté des rimes effacent la douceur d'un pays dont le souvenir est impossible à convoquer dans un climat aussi dévasté. L'errance du poète à la recherche d'une issue figuration de la quête de soi est claire à travers les verbes rôder tourner chercher »v16 auxquels s'ajoute la métaphore du cœur vide v13. Ces exemples montrent bien que le poète ne retrouve ni racines ni repères dans ce paysage sinistre. En outre, nous avons vu que l'obstination du poète qui reste vaine le conduit à la souffrance. C'est pourquoi, le poème s'achève sur la consonne palatale k désagréable à l'oreille. [...]
[...] D'ailleurs, le modalisateur d'incertitude peut-être et les points de suspension au vers 10 expriment une hésitation ou un silence. En un mot, si la question qui occupe tout le troisième quatrain prend une importance considérable mais reste sans réponse, c'est parce que le poète tente obsessionnellement de recréer les images de son pays, mais quand il croit y parvenir il est confronté à son absence. C'est donc le rêve d'Ailleurs qui a bercé le séjour en France de l'émigré qui chante l'amertume de l'exil et la tristesse de la nostalgie. [...]
[...] Introduction : En 1960, en pleine guerre de libération de l'Algérie, le poète exilé à Paris Mohammed Dib écrit Ombre Gardienne. Il y chante son pays d'origine et la vieille cité royale de Tlemcen, capitale de la culture islamique où il est né. Plus particulièrement, dans son poème Printemps le poète ne se reconnaît pas dans le paysage qui l'entoure. En quoi la description mise en place dans ce poème permet-elle l'expression du lyrisme ? Tout d'abord, l'accent sera mis sur la description d'un espace citadin ; enfin, un intérêt particulier sera porté au je d'ombre d'un poète exilé. [...]
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