1958, Moderato cantabile, Marguerite Duras, point de vue, point de vue narratorial, roman, narratologie, Alain Rabatel, mode de rréférenciation, subjectivité, interférence énonciative, brouillage actantiel
Le point de vue, c'est considérer où voit/d'où voit, où se situe celui qui décrit et raconte ? Rabatel s'attache, lui, non pas à se limiter à chercher qui sait et qui voit, mais à interroger le mode de référenciation, les choix de référence à un sujet de conscience, plus ou moins manifeste, qui se manifeste dans le récit par des indices d'ordre perceptif, cognitif et axiologique. Le point de vue narratologique est en cela l'expression en langue d'une perception subjective puisqu'elle renvoie toujours à une individualité sujet — et en ce sens subjectivante — qui synthétise à la fois la saisie du monde et à la fois la manière dont elle le saisit. L'étude du point de vue nécessite à cet effet que l'on recherche, à l'aide de la co-présence de plusieurs indices textuels en co-texte d'une subjectivité dans des « phrases sans paroles ».
[...] Il semble ne décrire que ce qu'il voit, sans jugement ou processus interprétatif. La description passe en effet par le domaine perceptif (et donc a fortiori cognitif) de la vision. On le décèle dans une description d'un objet ou d'une scène pouvant être perçue par un observateur dans laquelle il chercherait juste à retranscrire ce qu'il voit sans les analyser. Le marquage du narrateur hétérodiégétique ne peut pas être explicite comme celui de l'intradiégétique et sa présence est souvent disséminée. [...]
[...] Le jeu des temps L'utilisation du tiroir verbal du présent permet de faire fusionner les univers diégétique et narratorial. Le recours au présent d'actualité établit une concomitance, en en effaçant les frontières, du procès et de son énonciation, comme si les personnages et leurs actes concordent avec la narration, se déroulant comme en temps réel, sous les yeux du narrateur et a fortiori du narrateur par le biais de son objectif : « puis il se relève, prend un galet etc. [...]
[...] L'« ivresse » d'Anne semble être condamnée et motive une attitude « impassible ». L'adjectif évaluatif et axiologique dans le syntagme « le faciès impudique de l'aveu » est un modalisateur qui vient subjectiver le regard que l'on porte sur Anne, par le prisme du groupe social. Ces interventions sonnent comme des interprétations qui dépassent les perceptions visuelles seules de l'extérieur, de l'apparence du personnage. On trouve à cet effet un autre régime de parole : « on répète » qui est une parole narrativisée et ajoute une autre instance d'intervention du narrateur. [...]
[...] L'objectivité du regard du narrateur semble progresser tout au long du récit grâce à l'immédiateté de la découverte des actions et des événements produite par les tiroirs verbaux du présent et du passé composé. Écriture « blanche » Le style de Duras est souvent décrit comme un « style dépouillé ». La terminologie « écriture blanche » ou « zéro » est celle de Roland Barthes. Elle décrit une écriture neutre (caractéristique du Nouveau Roman) où le point de vue est objectif et se veut distancié. [...]
[...] « Les doigts, interdits . on s'y attendait toujours » est un passage qui laisse voir un langage subjectif du narrateur, une interprétation, même si à première vue, il dépeint une action indépendante de la conscience du personnage. Mais l'abandon total du point de vue extérieur se réalise quand le narrateur cède la place de la narration aux paroles rapportées au discours direct des personnages. Ici elles sont retranscrites sous la forme de dialogue, où les « deux femmes » implantées dans une sorte de didascalie scénaristique se voient associées une réplique chacune, de manière indifférenciée. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture