« Je me détourne du soleil. Qu'est-ce que tu fais Tashtego, fais moi entendre ton marteau. Ah ! trois harpons non rendus ; carène non brisée ; coque fracassée par Dieu seul ; front ferme, barre hautaine et proue pointée vers le pôle ; mort glorieuse , vaisseau ! Dois tu donc périr et sans moi ? Suis-je privé de la dernière vanité du plus quelconque des capitaines naufragés ? Oh ! Mort solitaire après ma vie solitaire ! Ah ! maintenant je sens que ma plus totale grandeur est dans ma plus haute douleur. Ho, ho, des plus lointains horizons, déversez vous maintenant intrépides vagues de toute ma vie passée ; et gonflez cette unique vague de ma mort ! Je roule vers toi, ô baleine, massacre de tout, mais qui ne gagnes rien. Jusqu'au bout je lutterai avec toi ; du cœur de l'enfer, je te frapperai. Dans la haine, je te crache mon dernier souffle. Engloutis en une seule fois tous les cercueils et tous les corbillards, puisque ni l'un ni l'autre ne peuvent être miens ; que je sois écartelé en te chassant, et attaché à toi, baleine maudite. Tiens je te donne ma lance »
On est ici, frappé, par la ressemblance de ce long monologue avec la plupart des monologues de la Tragédie Grecque, ainsi que par le lyrisme de l'extrait (qui se retrouve également dans la Tragédie).
Ce passage reflète parfaitement la pure poésie qui se dégage tout au long du récit de Moby Dick. On à l'impression d'être dans un récite de Homère, avec toute sa charge de sacré !
[...] Mort solitaire après ma vie solitaire ! Ah ! maintenant je sens que ma plus totale grandeur est dans ma plus haute douleur. Ho, ho, des plus lointains horizons, déversez vous maintenant intrépides vagues de toute ma vie passée ; et gonflez cette unique vague de ma mort ! Je roule vers toi, ô baleine, massacre de tout, mais qui ne gagne rien. Jusqu'au bout je lutterai avec toi ; du cœur de l'enfer, je te frapperai. Dans la haine, je te crache mon dernier souffle. [...]
[...] Elle a (comme dans toute tragédie grecque) raison des protagonistes qui sont impuissants face à la force de la Vérité. La baleine, dans le combat ultime, le Jugement final comme le dit Melville un peu plus tôt, donne l'impression d'être le chef d'orchestre : on suit le récit de ce dernier combat à travers ses mouvements. Elle est assimilable au coryphée, chef d'orchestre et chorégraphe de la chorégraphie métaphysique de la pensée que nous impose le chœur. De plus Achab est solitaire référence à sa solitude face à l'impensable de sa propre mort, question clef de la tragédie. [...]
[...] L'immensité de la mer fait que c'est le vaisseau qui navigue seul, la mer choisit sa destination, et non les hommes qui le dirigent. De plus, cette expression nous laisse l'impression d'un vaisseau fantôme, cf. fiche nº6) o les assonances et les allitérations douleur et grandeur cette opposition entre la douleur et la grandeur mérite également d'être signalée puisqu'elle donne l'impression que de la grandeur de l'homme, découle sa douleur, il n'existe alors aucun surhomme juste une surréalité au dessus de tous les hommes ; répétition quasi systématique des sonorités en R Tous ces aspects prouvent un certain lyrisme du texte, l'idée d'un chant s'en dégage, un chant qui vient s'élever au dessus de la pensée : déborder la parole. [...]
[...] Moby Dick, Melville, étude d'un extrait : Poésie, lyrisme tragique et chant divin :une parole qui déborde le récit Je me détourne du soleil. Qu'est-ce que tu fais Tashtego, fais-moi entendre ton marteau. Ah ! trois harpons non rendus ; carène non brisée ; coque fracassée par Dieu seul ; front ferme, barre hautaine et proue pointée vers le pôle ; mort glorieuse , vaisseau ! Dois-tu donc périr et sans moi ? Suis-je privé de la dernière vanité du plus quelconque des capitaines naufragés ? [...]
[...] On a l'impression d'être dans un récit de Homère, avec toute sa charge de sacré ! Dans un premier temps, le lyrisme du texte. Cette traduction restreint légèrement cet aspect lyrique (comme toute traduction d'un texte aussi dense et puissant), mais en rend tout de même compte, notamment par l'alternance de structures personnelles et impersonnelles, l'utilisation de procédés stylistiques tels que : o la répétition solitaire o la métaphore ô baleine, massacre de tout o l'accumulation trois harpons non rendus ; carène non brisée ; coque fracassée par dieu seul ; front ferme, barre hautaine et proue pointée vers le pôle ; mort glorieuse, vaisseau ! [...]
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