Lamartine ne s'oppose pas à la littérature pour le peuple. Mais, en tant qu'écrivain romantique, il a des exigences quant à sa forme et à la façon dont traiter le sujet. En premier lieu, le roman doit répondre à un plan, à des proportions. Cela signifie donc un découpage en livres, en chapitres, de manière mesurée. Mais il faut aussi que le roman obéisse aux convenances, c'est-à-dire qu'il ne s'affranchisse pas trop des règles de genres, de tons… Un roman devrait dans l'idéal ne pas se confondre avec la poésie ni le théâtre, ne pas mélanger aléatoirement des registres. La diversité dans une œuvre vient contrarier son unité. Enfin, et c'est probablement le plus important, le roman ne doit pas être la source de révoltes, de déceptions… Lamartine adopte une écriture contemplative, dans le sens où elle prend de la distance par rapport aux faits, même s'ils sont de nature terrible. Il est nécessaire que la raison conduise les développements, d'autant plus s'ils sont d'ordre politique. Les réflexions politiques doivent être le plus objectives possible, et surtout ne pas accabler les uns ou les autres de reproches, comme si la responsabilité de certaines choses tenait à un seul facteur. C'est pourquoi Lamartine se positionne contre les Misérables. Ceux-ci font reposer la souffrance du petit peuple sur la société, sur la restauration qui en est à l'origine, alors que ce qui est utile, ce n'est pas de soulever des faits accomplis mais de proposer de véritables solutions. Il aurait fallu que ce roman du peuple soit plus modéré, moins révolutionnaire, sacarstique, agressif. Les personnages du roman hugolien incarnent des types issus du peuple, qui n'incarnent donc pas les valeurs nobles. Ils sont misérables, et non des aristocrates. La noblesse dont il peut être question est dans le roman celle du cœur, de l'esprit, et non pas celle qui est donnée à la naissance. Or Lamartine n'a pas la même conception des personnages, qui pour lui sont de véritables héros, dans le sens où ils représentent des valeurs telles que le courage, la raison.
[...] Des explications énormes données sur des choses en dehors du sujet et rien sur les choses indispensables au sujet. Mais en revanche des sermons, pour dire que le suffrage universel est une bien jolie chose, qu'il faut de l'instruction aux masses ; cela est répété à satiété. Décidément ce livre, malgré de beaux morceaux, et ils sont rares, est enfantin. L'observation est une qualité secondaire en littérature, mais il n'est pas permis de peindre si faussement la société quand on est le contemporain de Balzac et de Dickens. [...]
[...] L'œuvre hugolienne peignant avec la beauté pure, simple et forte les espérances et les convictions de la masse élève les âmes. Le jugement de Flaubert [Lettre de Flaubert à Mme Roger des Genettes, juillet 1862 à Croisset] A vous, je peux tout dire. Eh bien ! notre dieu baisse. Les Misérables m'exaspèrent et il n'est pas permis d'en dire du mal : on a l'air d'un mouchard. La position de l'auteur est inexpugnable, inattaquable. Moi qui ai passé ma vie à l'adorer, je suis présentement indigné ! Il faut bien que j'éclate, cependant. [...]
[...] Dans la logique d'une intrigue réduite au strict minimum, les héros disparaissent. J'entends par héros les types, les géants, les êtres créés tout d'une pièce dont seuls les noms restent. Contrairement à l'esthétique romantique, l'écriture réaliste n'est pas faite pour peindre des exceptions. Si le romancier réaliste accepte le train ordinaire de l'existence commune, alors les personnages ne seront que des êtres petits, par nature. La beauté de l'oeuvre ne consiste plus dans le grandissement des héros mais dans la préoccupation d'écrire une œuvre vraie, documentée, équilibrée. [...]
[...] La poésie complète la philosophie dans les Misérables, mais elle ne restaure pas la communication langagière entre les personnages. Comment la poésie s'empare t-elle des Misérables dans le style de l'œuvre, dans la forme ? L'écriture est poétique à plusieurs niveaux : tout d'abord, chez Hugo, il y a une phrase très courte, un sujet, un verbe et un adjectif, posant une antithèse comme un accord. Puis on est devant un silence, un retour à la ligne, équivalant à une sorte de mesure qui ne compte pas. [...]
[...] Presque tout est impossible dans les aspirations des Misérables, et la première de ces impossibilités, c'est l'extinction de toutes nos misères. Alphonse de Lamartine, Considérations sur un chef-d'œuvre ou les dangers du génie Sujet Le jugement de Lamartine est-il justifié ? Quel est l'idéal du roman pour Lamartine ? Lamartine décrit les Misérables comme un roman dangereux et inconvenable, tant par son fond que par sa forme. L'excès d'idéal, la critique de la société, le mélange des tons, la confusion des genres, l'absence de plan sont autant d'éléments reprochés à Victor Hugo. [...]
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