Grand chef-d'œuvre de Molière, Le misanthrope (1666) fut conçu au Palais-Royal, c'est une comédie en cinq actes rédigée en vers et qui traite des mœurs de la classe mondaine. Alceste, le personnage principal de la pièce, est misanthrope. Il hait l'humanité et ne voit qu'hypocrisie et fausse complaisance dans cette société du paraitre où seule l'image compte. Philinte, son ami de toujours, tente de le raisonner, mais sans succès ; ses paroles restent vaines malgré son acharnement. L'extrait à étudier porte sur la scène 4 de l'acte II. Dans cette partie, Célimène, une jeune veuve, ne cesse d'être adulée, tous les hommes la regardent avec des yeux de concupiscence. Elle est très courtisée, notamment par Alceste qui cherche à la confronter à tous ses prétendants. Il espère ainsi se démarquer de ses concurrents pour l'épouser et l'emmener vivre une vie paisible à la campagne. Deux mouvements se dégagent dans la scène : la sollicitation d'Alceste qui pousse Célimène à faire un choix entre lui et les autres candidats et le jeu des portraits organisé par Célimène qui s'attarde à parodier les gens du haut peuple.
[...] Il l'affronte au lieu de la louer. Lorsqu'il soulève les défauts de la belle, Acaste rétorque : Mais les défauts qu'elle a ne frappent point ma vue (vers 698). Son amour empêche le marquis d'être lucide, il aime à l'aveugle. Cette réplique a le don d'énerver Alceste qui expose alors sa conception de l'amour, il répond : Plus on aime quelqu'un, moins il faut qu'on le flatte (vers 701). Son opinion est radicale, il explique que pour contribuer à l'évolution personnelle de l'être aimé, mieux vaut s'abstenir de le complimenter de peur qu'il ne se complaise dans ses défauts. [...]
[...] Alceste n'a même pas l'exclusivité d'être le seul à faire battre son cœur. Tout au long de la scène, Alceste se montre injurieux et colérique (récurrence du terme Morbleu L'utilisation de phrases affirmatives indiquant un ordre: Point, vous vous déclarerez (vers 564), Vous prendrez parti et l'emprunt au vocabulaire tragique mourir souffrir chagrin ne cessent d'exprimer son exacerbation. Alceste est amoureux d'une coquette ce qui est contraire à son caractère de départ. Célimène est soucieuse de son image de façon névrotique. [...]
[...] Comme à son habitude, elle se plait à peindre les gens et Damis n'est pas épargné. Pour reprendre ses propos, ce serait un homme qui se travaille à dire de bons mots et qui se complait à contredire son entourage pour avoir l'air plus savant il se [mettrait] au-dessus de tous les autres gens L'intervention de Philinte ne ferait qu'accentuer la virulence du débat. Célimène veut rester le maitre de cérémonie, c'est la seule à avoir le droit d'émettre des jugements. [...]
[...] Dans cette scène, Alceste concurrence Célimène dans l'art de la satire. Il matérialise la droiture et dénonce les comportements calculés. Mais en raison de sa franchise jugée trop excessive, il se retrouve seul contre tous. La raillerie devient sa seule arme pour défendre son amertume. La satire prend alors une dimension idéologique, politique et philosophique. Le dramaturge avait l'habitude d'utiliser le théâtre pour dénoncer les travers de son temps, notamment l'ardeur de la classe noble prête à tout pour obtenir les faveurs du roi. [...]
[...] Quand elle affirme que ses vrais sentiments sont combattus par lui la dame insuffle qu'Alceste est le pire ennemi de lui-même, il prendrait contre lui-même, assez souvent, les armes Elle souligne qu'on ne peut pas être heureux si on vit à contre-courant, elle l'encourage à être moins étriqué pour vivre mieux. Ami de longue date, Philinte veut préserver son ami de la solitude. Pour l'épauler, l'honnête homme prend le parti de Célimène dans ses critiques sur Alceste, il n'approuve pas de voir son camarade s'offusquer envers le monde entier. [...]
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