Jean-Pierre Richard hésite sur la définition de « Microlectures ». Il s'interroge sur le titre de son propre livre et sur son contenu : « petites lectures ? Lectures du petit ? ». Il n'affirme rien : « Les deux à la fois sans doute ». L'utilisation du conditionnel renforce la difficulté à l'expliquer : « Ce titre voudrait indiquer… ».
Mais nous comprenons par la suite qu'il semble reprendre les questions que peuvent se poser les lecteurs face au terme de « microlectures », car il finit toutefois par y répondre : « Elles visent, dans l'œuvre lue et commentée, des unités beaucoup moins vastes. ». On ne s'intéresse donc plus aux grands thèmes majeurs qui ressortent de l'œuvre, mais bien à des unités plus petites : les détails.
Avant de se demander pourquoi le détail est ainsi mis en exergue, nous tenterons de répondre à la question suivante : pourquoi l'écriture du détail ? Le travail de l'écrivain est interrogé, et notre regard de lecteur est sollicité. Ces prémisses nous mèneront à comprendre en quoi le détail participe à un tout, en est le révélateur. Il se fait successivement indice, porteur de messages, et élément d'interprétation. Si grâce à lui « tout peut être dit », cela ne peut-il pas quelquefois desservir le sens du texte ?
[...] Par l'étude des répétitions, l'analyse minutieuse des traits du langage lectures du petit le critique tente de repérer, à l'instar du psychanalyste, les intentions, désirs et obsessions de l'auteur. Pour cela, le critique doit, comme l'explique Georges Poulet dans La conscience critique, s'identifier à l'œuvre c'est-à-dire recommencer au fond de soi le cogito d'un écrivain, ou d'un philosophe, retrouver sa façon de sentir et de penser, voir comment [l'œuvre] naît et se forme. Cependant, la lecture thématique s'oppose à la lecture méthodique selon laquelle il est inutile de connaître l'auteur ou le contexte, car seul le texte importe, lui seul contient le sens. [...]
[...] Par le détail d'une description, le lecteur peut mieux fixer les contours de l'image que l'auteur lui donne à voir. Ainsi, Aragon fait une étude précise du visage de Bérénice dans son roman Aurélien, nous permettant de créer notre propre image de la jeune femme : [ ] elle était petite sans en avoir cet air d'enfant que cela donne parfois. Ses cheveux étaient coupés raides, son teint pâle, comme si le sang n'eût pas circulé sous la peau. Puis les détails du front, des yeux, des cils, des sourcils, les lèvres, du nez, des joues et des expressions. [...]
[...] On retient l'ordre d'un parcours (un commencement, un milieu, une fin), facilement repérable dans l'œuvre. Mais est-ce vraiment ce qui nous a ravis ? Le travail de l'écrivain ne consiste pas seulement à nous enchanter par l'histoire qu'il nous raconte ; il doit nous enchanter aussi par sa façon de raconter. Il prend le temps, pour nous, d'observer ce qui l'entoure, d'en extraire la beauté, la magie, et avec le perfectionnisme propre à tout génie littéraire, il s'efforce de trouver les mots justes pour décrire tel sujet, ou tel objet. [...]
[...] La lecture du détail entre dans l'optique d'une révélation. Le petit se fait indice, mais il est si discret que notre œil passe souvent à côté, et une information essentielle peut ainsi nous échapper. Il s'agit donc de révéler le détail pour qu'il révèle à son tour. Imperceptible à la première lecture, il prend toute son ampleur à la relecture, il éclaire, apporte une lumière sur le texte. Saisir une information à travers ce grain du texte c'est la conscience d'être frappé par un détail et que ce détail entretient un rapport fondamental avec l'œuvre explique L. [...]
[...] Quelle que soit la voie que l'on choisit d'emprunter, le petit est au service de notre curiosité. Pour ce qu'il nous montre, nous enchante, nous interpelle ou nous marque, le détail n'est jamais là par hasard ; son utilité est entière, sa place indispensable. Si ce propos de J.-P. Richard nous conduit à donner l'explication de cette revalorisation du détail, cela ne signifie pas pour autant qu'il faille dénier l'importance du reste des éléments narratifs des textes littéraires. Ce qui importe est bien de ne plus considérer les détails comme superflus, mais comme faisant partie intégrante d'un tout dont chaque élément est essentiel et fonctionne en combinaison, et en complémentarité, avec les autres. [...]
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