Mémoires d'une jeune fille rangée p.124-125, Simone de Beauvoir (1958), Élisabeth Lacoin, autobiographie, lexique amoureux, relation anticonformiste, topos littéraire, locution verbale
Ce livre constitue le premier volume autobiographique de Simone de Beauvoir, écrit en 1958 comme un devoir envers sa meilleure amie Élisabeth Lacoin, morte à l'âge de 21 ans. Il s'agit donc de rendre hommage à son amie disparue avant même d'écrire sur soi. Élisabeth apparaît à la fin de la première partie (p. 120) et reste par la suite omniprésente dans l'œuvre jusqu'au bout, le mot "mort" étant le terme qui vient clore le volume et qui ne se réfère à nulle autre qu'à la jeune femme, surnommée affectueusement Zaza.
[...] En outre, le « granit » fait encore penser à la fois à la pureté et à la passion violente, le granit étant une roche de nature éruptive. SdB convoque ainsi deux éléments antithétiques, l'eau et le feu, pour illustrer les contradictions du sentiment amoureux Louise Labé : « Je vis, je meurs, je me brûle et me noie. / J'ai chaud extrême en endurant froidure »). ( Nous avons donc bien pu constater, à travers ce premier mouvement, que ces retrouvailles entre Simone et Zaza sont pour le moins ambiguës et anticonformistes. [...]
[...] L'érotisme de la situation et le lexique amoureux en font une relation anticonformiste, comme l'analyse bien Simone enfant. Mais ce passage est également une occasion pour la philosophe de procéder à une analyse introspective marquée par l'existentialisme, tout en laissant présager au lecteur la mort funeste de son amie à travers le fantasme enfantin et l'ajout de la narratrice adulte, qui est bien-sûr loin d'être anodin et laisse entendre le chagrin et la culpabilité qui rongent l'écrivaine. La proximité entre Eros et Thanatos, véritable topos littéraire, est ainsi bien lisible dans notre passage. [...]
[...] ( Autrement dit, les sentiments que Simone éprouve pour Zaza ne sont pas conventionnels : ils ne s'accordent pas avec les clichés qu'on lui a enseignés depuis la petite enfance (et qu'on retrouve un peu plus haut p124 : « Dans un cœur bien ordonné, l'amitié occupe un rang honorable, mais elle n'a ni l'éclat du mystérieux Amour ni la dignité sacrée des tendresses filiales. Je ne remettais pas en question cette hiérarchie»). ( ici Simone remet bien en question cette hiérarchie des sentiments, d'où le fait que tout vole en éclats. ( le lecteur sait également que ce récit autobiographique est une dénonciation de ces « conventions » et de ces « clichés » liés à l'éducation des jeunes filles rangées : peut-être que c'est précisément dans cet extrait que Simone ne devient plus si « rangée ». [...]
[...] ( Lecture du passage. ( Nous pouvons distinguer 3 mouvements dans ce texte : de « Un après-midi » à « nue comme un beau granit » : Sdb raconte un événement marquant de sa jeunesse : ses retrouvailles avec Zaza empreintes d'un certain érotisme et la découverte ainsi que l'analyse introspective de ses sentiments. = comme nous le verrons des retrouvailles ambiguës et anticonformistes de « Quelques jours plus tard » à « Je glisserais de mon tabouret, et je tomberais sur le sol, expirante » : l'écrivaine fait un saut dans le temps, ellipse de quelques jours pour raconter une expérience purement intérieure et philosophique : = le fantasme de la mort de Zaza, une expérience intime liée à la philosophie existentialiste de « Cette solution me rassura » à « je n'osai pas en affronter toutes les conséquences » : l'ajout de la narratrice adulte comme annonce funeste au lecteur Projet de lecture : En quoi cette scène de retrouvailles entre les deux jeunes filles permet-elle à l'écrivaine adulte de rendre compte, à travers une analyse existentialiste, des sentiments ambigus qu'elle a éprouvés envers Zaza, tout en laissant déjà présager au lecteur une fin tragique ? [...]
[...] D'ailleurs, cette longue phrase ne se termine pas par un point, mais par un point d'exclamation : enthousiasme lisible jusqu'au bout. - Après avoir évoqué la conséquence de l'arrivée de Zaza visible de l'extérieur (le flot de paroles), SdB nous fait entrer dans une dimension introspective avec la phrase « et dans ma poitrine tournoyaient mille soleils ». ( expression qui se rapproche du cœur qui se met à battre la chamade suite à l'apparition de la personne qu'on aime. = belle métaphore pour illustrer la joie de Simone, plus proche du sentiment amoureux que de l'amitié. [...]
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