Mémoires et aventures d'un homme de qualité qui s'est retiré du monde, tome VII, Antoine François Prévost, histoire d'amour, chevalier des Grieux, Manon, infidélité, roman mémoire, péché, passion, femme fatale, commentaire de texte
Publiée en 1733, l'histoire de Des Grieux et de Manon Lescaut est le tome VII d'une oeuvre plus vaste intitulée "Mémoires et aventures d'un homme de qualité qui s'est retiré du monde", un roman mémoire. Il s'agit du récit tragique du chevalier des Grieux à Renancourt, qui raconte son histoire d'amour avec sa maîtresse Manon. Celui-ci renonce à tout pour cette jeune femme d'origine modeste dont il est épris. L'assurant qu'elle l'adore, elle n'hésite cependant pas à le tromper en se donnant à des hommes fortunés contre des biens et de l'argent. Mais par deux fois des Grieux (DG) lui pardonne, avant qu'ils ne s'installent tous deux à Chaillot alors que DG se rend à Paris la journée pour jouer aux jeux.
[...] Mais cette fois ce n'est pas DG qui est chassé, mais le prince d'Italie : les deux héros ont changé, Manon a perdu sa perfidie et DG sa crédulité. Le récit se veut ici édifiant et attendrit l'interlocuteur et le lecteur, élevant le jeune couple à un rang supérieur. DG mobilise son talent de narrateur dans toute son ampleur pour accaparer l'attention de son interlocuteur et le divertir de considération morale que ce passage pourrait appeler : il s'agit en effet d'un non-respect de la hiérarchie sociale entre le prince et les deux amants. [...]
[...] Le couple montre aussi toute la force vitale qui les anime, par le comique de situation utilisé par DG, ainsi que par le symbole des cheveux, incarnation de la vitalité et de la sensualité qui contraste avec la « mauvaise mine du prince ». Cet épisode est aussi l'occasion pour DG de mettre en exergue le caractère si noble de sa personne, d'une part en se montrant comme l'élu de Manon, mais aussi en se comparant au prince d'Italie. Il reconnaît les atouts financiers du prince « bien mis », mais juge son allure en affirmant qu'il est « d'assez mauvaise mine ». L'antithèse montre que DG se place au-dessus du prince, pour relativiser ses qualités et souligner ses défauts. [...]
[...] L'obsession de DG pour son amante qui ne cesse de lui fuir des mains lui donne le visage de la femme fatale que l'on suit irrésistiblement dans le péché et qui inspira tant le XIXe siècle. Ainsi, la tension entre transgression sans borne, égoïsme, fatalité du couple voué à l'échec ainsi que vitalité, passion, amour inscrit ce couple à la fois dans l'étude de l'homme du XVIII et le début du romantisme du XIX. Si l'outrage fait au prince est prémédité, le malheur dans lequel Manon plonge DG est-il conscient ? [...]
[...] Dans cette première partie, nous avons vu l'aspect que veut donner DG à cet épisode : celui de l'amour triomphant sur les réalités économiques et sociales. Le récit se veut édifiant pour DG qui par ses atouts éclipse un rival de haut rang. Le talent de narrateur de DG parvient à faire d'une farce une leçon à un prince aux mœurs légères, fréquentes au siècle du libertinage, ce qui atténue l'aspect mesquin qu'aurait pu avoir cette scène. Si le point de vue est celui de DG, on parvient à déceler un peu plus le personnage de Manon. [...]
[...] On note la substitution de l'expression sexe faible par celle de « beau sexe », moins péjorative et en vogue au XVIII, une époque où en effet, la revanche des femmes si longtemps mise de côté donne lieu à ce genre de situation. Et si « les femmes de France ne valent pas mieux que celles d'Italie », c'est parce que partout en Europe au XVIIIe les femmes se mettent à s'émanciper des hommes qui les prenaient pour objet. On sent la rancœur du prince, ou bien sa peur, dans la « voix plus basse qu'il adopte ». [...]
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