Le mélange des genres dans le théâtre romantique français, dramaturgie du désordre historique, Florence NAUGRETTE, comédie molièresque, registre tragique, mélodrames, brassage social
Le mélange des genres est communément considéré comme un des moteurs essentiels du drame romantique. Florence Naugrette déplore que sa définition ne soit limitée qu'à quelques hybridations dévalorisantes, alors que l'histoire littéraire française la considère comme principe primordial de la littérature dramatique romantique. Le théâtre prime dans l'histoire du drame romantique, et est à considérer comme figure de proue de la réfutation des principes classiques. L'auteur pose cette interrogation : pourquoi le théâtre a-t-il pris, à l'époque romantique, une place plus grande en France que chez nos voisins européens ? Enfin, elle nous dévoile la progression de son argumentation : replacer la notion de mélange des genres dans le contexte historique institutionnel français du XIXème siècle, pour montrer quels bouleversement il engendre tant au niveaux culturel, social, légal et politique.
[...] Mélange des genres et brassage social : l'utopie d'un public uni. Ces genres bâtards renversent les convenances esthétiques classiques. Le drame romantique, héritier de ces bouleversements, s'imposant dès 1830 sur la scène française les légitime (l'abandon de certaines règles était déjà rendu effectif sur les scènes secondaires), mais ne les provoque pas (la règle des rois unités a déjà été bafouée depuis le début du siècle ; exemple de Christophe Colomb de Népomucène LEMERCIER, vingt et un ans avant Hernani ; les mélodrames, dont ceux de PIXERECOURT, ne sont qu'insultes aux règles de bienséance). [...]
[...] L'auteur adopte un style didactique, elle veut rendre compte du mélange des genres dans le théâtre romantique. Dans une première partie, elle décide de faire un rappel historique du XIXe siècle qu'elle met en relation avec l'évolution de cette hybridation, puis développe ses particularités, déclinaisons et ses conséquences, et nuancer sa relation avec le genre dramaturgique romantique. L'article est écrit par une spécialiste de la littérature théâtrale, et surtout de l'histoire dramaturgique du siècle concerné, d'où la précision et la justesse des données historiques. [...]
[...] La loi Le Chapelier concrétise une réalité de fait : la mise à mal du contrôle des répertoires et de leur ségrégation, par des innovations dramatiques illicites. Cette loi marque le début et la fin d'une ère, et révèle la caducité du système de séparation des genres. La libéralisation du théâtre s'oppose au contrôle étatique, pourtant parfois positif (les genres dits nobles joués dans les salles officielles sont subventionnés). La multiplication des salles et des troupes entraîne une effervescence créatrice (apparition de nouveaux genres : mélodrame, vaudeville, féerie), mais donne aussi naissance à des formes de spectacles populaires médiocres. [...]
[...] Le drame romantique veut abolir la ségrégation opérée entre le genre et le public que la législation impériale a réinstitué, dramaturgie du désordre. III. La dramaturgie romantique du désordre. Dans un premier temps, Florence NAUGRETTE écrit que le mélange des genres n'est pas seulement l'émancipation des règles classiques, mais une pratique révolutionnaire qui contre les attentes du public : discours, comportement et caractère des personnages devraient coïncider (cf Politique de la littérature de Jacques Rancière). Or, c'est tout le contraire qui apparaît dans le drame romantique : des genres aux fonctionnements différents coexistent dans une même pièce, d'où la confusion du spectateur (genres, codes et valeurs sont mélangés). [...]
[...] C'est une occasion pour le drame d'accuser la société bourgeoise de criminogène. À son tour, le mélodrame viendra accuser la société. Aucun retour à l'ordre n'est envisageable est la fois en une quelconque transcendance est annihilée (Antony, Thérésa de DUMAS ; Les caprices de Marianne de Musset). On retrouve ce découragement dans le drame historique dont les dénouements sont eux aussi insolubles (suicide de Doña Sol et Hernani, tyrannicide de Lorenzo). L'intérêt pour l'histoire manifesté par les romantiques tient d'un rapport traumatique avec le passé historique de la France (nombreux changements de régimes et révolutions) qui induit un difficile rapport avec le présent (anachronique), que l'histoire aide à comprendre. [...]
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