Le 19e siècle, période de profonds bouleversements économiques, politiques et culturels, fut propice à l'art. Les écrivains, peintres et poètes ont en effet trouvé une nouvelle source d'inspiration : la réalité. Avec des couleurs ou avec des mots, ils vont tenter de représenter le monde dans lequel ils vivent au travers de leurs œuvres. Certains iront au-delà de la simple représentation du réel et tenteront de faire de l'art un nouveau moyen de véhiculer des idées.
Victor Hugo, écrivain et poète français, jeune chef de l'école romantique, est aussi un politique engagé. Parti en exil après la prise de pouvoir de Napoléon III, il publie plusieurs ouvrages (Les Contemplations, Les Châtiments) presque entièrement consacrés à ses idées politiques. La poésie devient un engagement au service de l'humanité.
Dans Melancholia, poème tiré des contemplations, Victor Hugo raconte l'histoire d'une jeune couturière qui, malgré son courage et sa volonté de réussir, sera finalement contrainte de se prostituer pour survivre.
[...] Mais, le n'importe ! du vers 16 montre qu'elle est prête à se battre. Tant que dure l'été elle fait preuve de courage, travaille et parvint finalement à acheter Un peu de pain, un gîte, une jupe de toile Elle paraît presque heureuse puisqu'elle chante rêvant à quelques étoiles Malheureusement, la situation ne va pas durer. L'« l'hiver vient Le Mais du vers 22 annonce la chute. Il se met à faire froid les jours sont courts De plus L'huile est chère, le bois est cher, le pain est cher Par cette répétition de l'adjectif cher Victor Hugo veut faire prendre conscience à son lecteur du fait que les petites choses qu'il considère comme élémentaires peuvent être le fruit de bien des souffrances pour beaucoup. [...]
[...] Là encore, un rapprochement avec le personnage principal de l'Assommoir est possible. Gervaise vendra également, petit à petit, tous ses meubles, pour payer les frais de maladie de son mari Coupet. La vente des biens personnels était donc une solution couramment utilisée par les ouvriers du 19e siècle qui manquaient d'argent. Enfin, on peut remarquer que certains détails auxquels on ne ferait pas forcément attention à première vue contribuent très largement à rendre le texte réaliste. Par exemple, le logis de la couturière est situé tout en haut de la rampe Au 19e siècle, les plus pauvres occupaient généralement les logements du haut, situés sous les toits, le rez-de- chaussée, facilement accessible et plus confortable, étant réservé aux personnes un peu plus riches. [...]
[...] En effet, les prolétaires étaient alors exploités par les patrons d'entreprises, travaillant en moyenne treize heures par jour. Ils gagnaient très peu d'argent, car ils étaient victimes de la concurrence qu'entraîne le système de production capitaliste. Un peu plus loin, la couturière manque de travail. On se trouve approximativement en 1850, au lendemain des deux révolutions industrielles. Certaines professions dites artisanales tendent à disparaître au profit de l'industrie. C'est notamment le cas pour le métier de couturière, l'industrie textile se développant fortement au 19e siècle. [...]
[...] On assiste donc à une dégradation progressive de la situation de la couturière : au fur et à mesure que l'histoire avance, la couturière sombre, son sort devenant de plus en plus pathétique. Mélancholia est donc un poème pathétique, qui cherche à émouvoir le lecteur. Il s'agit maintenant de voir pourquoi on peut dire que ce poème est également réaliste. Tout d'abord, on note que la jeune couturière que décrit Hugo est ordinaire. Elle est issue d'un milieu populaire et partage sa situation avec des milliers d'autres ouvriers. Il s'agit d'un personnage typique des romans réalistes que l'on pourrait par exemple rapprocher à Gervaise, l'héroïne de l'Assommoir. [...]
[...] Melancholia est un poème qui est à la fois pathétique et réaliste. Il vise à dénoncer les conséquences morales qu'entraînent les systèmes de production capitalistes sur la classe ouvrière et à mettre en garde son lecteur contre l'existence d'une nouvelle forme d'esclavage qu'est la prostitution. Victor Hugo cherche à persuader, ou peut-être à convaincre, le lecteur du bien-fondé de son propos. Le poème a donc une double visée : une visée dénonciatrice et argumentative. Melancholia est également une illustration de la conception de la poésie selon Hugo, une poésie libre, qui doit guider les hommes vers le progrès social et culturel. [...]
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