Le passage étudié ici, correspond au cinquième épisode de la pièce Médée d'Euripide, aux vers 1021 à 1080 : « O mes enfants (...) qui a perdu tant d'hommes. » Le thème abordé ici est celui de la marche vers l'infanticide. L'intérêt du mythe, l'intrigue gravite autour de cela. L'amorce de l'infanticide est faite dès le début de la pièce chez Euripide dans le monologue de la nourrice. La crainte était déjà annoncée : « déjà je l'ai vue qui jetait sur eux des regards farouches ». Il y a ici une anticipation, une prolepse (...)
[...] Ce que nous remarquons d'emblée, c'est l'image d'une mère souffrante, pleurant ses enfants qui ne sont pourtant pas encore morts. Elle les aime : Euripide montre Médée comme une femme pleine de tendresse et d'amour contrairement à Sénèque qui la montre comme monstrueuse. Ici, on retrouve le réseau lexical de la tendresse : Ô mes chéries ; bouche chérie ; tendre peau ; douce respiration (peut-être leur dernier soupir). A partir de là, s'enchaîne un long paragraphe plein de lyrisme ; un lyrisme pathétique, d'où les interjections, les apostrophes et les exclamations : O mes enfants ; Ah ! [...]
[...] Le seul moyen de l'atteindre est dès lors de tuer ses propres enfants. Médée apparaît comme une guerrière, elle agit comme un homme. C'est à partir de là qu'elle perd de son courage : le cœur me manque, mes amies (le chœur) lorsque que je vois les yeux brillants de mes enfants elle est attendrie par la physionomie de ses enfants, ce qui la rend perplexe sur ces intentions de meurtre : Adieu mes desseins de naguère Puis soudain, elle rechange d'avis d'où la conjonction de coordination mais qui a valeur de connecteur logique ici : mais quoi, me résigner à être celle dont on rit Sa colère, la colère fait qu'elle renonce à fuir avec ces enfants afin d'éviter les moqueries, elle a peur du jugement social d'être méprisée et l'infanticide sera le moyen d'échapper à de telles moqueries. [...]
[...] En évitant le meurtre de Creüse, elle évitait la mort de ses enfants. Médée est surtout emportée par sa colère, elle veut aussi se préserver des moqueries, des humiliations, des rires : «Mais quoi, me résigner à être celle dont on rit. Là tout son orgueil jaillit, là est tout l'enjeu, son hybris prend forme dans le crime. Contrairement aux autres personnages de la tragédie, Médée restera impunie pour son crime odieux ; ce qui fait d'elle un personnage singulier et atypique de la tragédie. [...]
[...] Elle accentue le contraste entre sa condition et celle de ses enfants par la superposition des pronoms personnels je et vous Elle apparaît aussi nostalgique, elle regrette le bonheur dont elle aurait pu jouir : celui d'une mère accompagnant ses enfants sur le chemin de la vie, d'où les répétions de l'auxiliaire «avoir : d'avoir été ; d'avoir vu ; avoir paré C'est une mère souffrante qui lie douleur physique : celui de l'accouchement de m'être déchirée dans les douleurs en vous mettant au monde ? et psychologique : celui de ne plus voir ces enfants : Privée de vous je vais traîner ma vie dans la misère et la souffrance Médée apparaît dès lors comme le stéréotype de la mère grecque dans l'antiquité. Ici, nous sommes bien loin de la Médée magicienne ou rusée. [...]
[...] Le spectateur s'attendait à ce qu'elle intervienne pour persuader Médée de ne pas commettre l'irréparable. Pourquoi ne l'a-t-elle pas fait ? Cela s'explique sûrement par le fait que les conventions de l'antiquité stipulaient que les serviteurs ne devaient en aucun cas intervenir dans les projets et les prétentions des personnages. Ce rôle de sauveur fictif va être joué par le chœur qui tentera de raisonner Médée. Contrairement aux personnages de Sophocle, ceux d'Euripide et ici Médée sont capables du pire. [...]
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