Le quatrième roman de Maupassant, Pierre et Jean, publié en 1888, est un récit qui s'appuie sur un secret de famille, et permet à Maupassant de conduire une subtile analyse psychologique des personnages.
Le roman commence par une partie de pêche en barque, réunissant le père Roland, ancien bijoutier à la retraite, sa femme, leurs deux fils et une jeune veuve, Mme Rosémilly. Pierre et Jean sont opposés physiquement et moralement : « Jean, aussi blond que son frère était noir, aussi calme que son frère était emporté, aussi doux que son frère était rancunier, avait fait tranquillement son droit et venait d'obtenir son diplôme de licencié en même temps que Pierre obtenait celui de docteur. ». Ces deux frères ne s'aiment pas et jusque dans la barque ils rivalisent à la rame (...)
[...] A force d'avoir souffert et fait souffrir les autres, sa douleur agressive et vengeresse s'était fatiguée, comme une lame émoussée. Il n'avait presque plus le courage d'en vouloir à quelqu'un et de quoi que ce fût, et il laissait aller sa révolte à vau-l'eau à la façon de son existence. Il se sentait tellement las de lutter, las de frapper, las de tout, qu'il ne pouvait plus et tâchait d'engourdir son cœur dans l'oubli, comme on tombe dans le sommeil. [...]
[...] La différence essentielle porterait donc sur la fonction attribuée à la parole et les relations entre difficultés relationnelles, troubles somatiques et accession à une parole pleine. En Constellation Familiale, le langage qui guérit se caractérise par des phrases simples, directes, courtes et donc intenses. Il ne s'agit ni d'associations libres comme en psychanalyse, ni de cogitations théoriques, mais de phrases qui véhiculent un respect, une reconnaissance des émotions de l'autre, une réconciliation avec une histoire passée douloureuse, voire parfois, des éléments de solution. [...]
[...] Est-ce que la vie de cette femme simple, chaste et loyale, n'étaient pas plus claires que l'eau ? (p. 767) Pierre attribue l'inscription physique de sa souffrance à la jalousie qu'il ressent à l'égard de son frère. En cela, il se trompe, car la prise de conscience de cette jalousie n'est qu'un faible écho d'une souffrance plus profonde, absolument irreprésentable et indicible, qui concerne la représentation que ce fils aîné a de sa mère pure et insoupçonnable. L'idée irrecevable est que sa mère ait pu être infidèle, non seulement à son mari, mais à lui, son fils ! [...]
[...] Nom de Dieu, regardez donc ! Cristi! ça va vite déclarait Roland avec une conviction enthousiaste puis s'adressant à sa femme : "Pourquoi pleures- tu, demanda son mari, puisqu'il sera de retour avant un mois ? Elle balbutia : je ne sais pas, je pleure parce que j'ai mal. (p. 832) Le père est un personnage qui n'a pas du tout évolué depuis le début: "notre Jean": le possessif montre qu'il est le seul à n'avoir toujours pas deviné la vérité. [...]
[...] Mais oui, elle l'avait trompé dans sa tendresse, trompé dans son pieux respect. Elle se devait à lui irréprochable, comme se doivent toutes les mères à leurs enfants. (p. 779) La stratégie de Maupassant est de savoir donner au corps des personnages et à leurs manifestations symptomatiques la fonction de dire l'indicible, ce que Freud élaborera en termes de conversion somatique. Non seulement les mots semblent ne pas suffire à dire la charge d'angoisse des représentations associées à la mère, à la sexualité, et à la place de chacun dans la famille, mais ces représentations et les sentiments qui s'y rattachent sont contradictoires, faits d'amour et de haine très archaïques, et donc difficilement gérables quand on est seul, sans la présence, l'écoute et la parole contenante d'un thérapeute. [...]
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